Salabhasana : comment l’enseigner pour soulager la lombalgie?

Dans cette vidéo, je vous présente la posture de la sauterelle Salabhasana, et je vais répondre à la question qui questionne vraiment ;-)…. « Est-ce que Salahbasana permet vraiment de soulager le mal de dos ? ». Si oui, pourquoi est-elle si difficile à aborder chez le lombalgique chronique et si douloureuse? Quelles variations proposer? Comment positionner les bras? Vers quelles asanas peut-on proposer des enchaînements, notamment les back-bends ?

Dans cette vidéo, nous verrons aussi pourquoi Salabhasana, la posture de la Sauterelle, ne peut pas être considérée comme un remède efficace et universel au mal de dos, comment raisonner et comprendre le mal de dos, quels sont les bénéfices biomécaniques de la posture de la Sauterelle, quelles sont les adaptations pour les publics fragiles, et enfin une transition sympa et rarement proposée.

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Bonne écoute, et si vous préférez lire, retrouvez la transcription juste sous la vidéo !

Présentation de Muriel Adapter Son Yoga

Je m’appelle Muriel, je suis kinésithérapeute et ostéopathe depuis plus de vingt ans, et j’ai un blog autour du yoga qui s’appelle adaptersonyoga.com. Vous y retrouverez de nombreux contenus, notamment un article gratuit à télécharger sur le mal de dos lombaire et le yoga.

Alors, pourquoi est-ce que certains considérent la posture de la sauterelle Salabhasana comme un remède universel contre le mal de dos ?

Salabhasana : aucune posture isolée n’est miraculeuse pour le dos !

Quand vous lisez les grands livres sur le yoga, vous voyez que cette posture Salabhasana est réputée pour renforcer les muscles du dos, étirer les abdominaux, ouvrir le thorax. Je me suis alors simplement demandée si c’était la solution miracle pour répondre aux douleurs lombaires ?

Pour rompre le suspens tout de suite : alors non, ‘’la posture de la sauterelle n’est miraculeuse qu’à Lourdes’’… Excusez-moi pour le blasphème, mais c’est vraiment pour insister sur le fait que chaque lombalgie est unique. Il n’y a pas une lombalgie, mais des lombalgies, c’est-à-dire des douleurs lombaires.

L’histoire de vie est propre à chacun, et on ne peut pas imaginer qu’un exercice soit la solution miraculeuse pour tout le monde. Ce serait trop simple ! Pour bien aborder un patient, on doit d’abord forcément faire un bilan en plusieurs étapes.

D’abord, on va avoir une partie d’interrogatoire, on va échanger avec notre élève ou notre patient pour comprendre sa vie, où il en est, et comprendre sa lombalgie. On va essayer de voir au décours de cet interrogatoire s’il a des fausses croyances et s’il est kinésiophobe, c’est-à-dire s’il a peur du mouvement, s’il surprotège son dos. Je vais vous expliquer ça un petit peu plus en détail.

Une fois qu’on aura fait l’interrogatoire, on va passer à l’examen clinique, on va observer notre élève, et puis on fera une synthèse de toutes ces observations pour réussir à déterminer ce qu’on va mettre en place comme traitement, et donc quel exercice va être le plus pertinent pour ce patient-là, cet élève-là.

Lombalgie : Comment interroger son élève ?

La douleur

Débutons par l’interrogatoire. Alors voilà ce qu’on peut poser comme questions à notre élève :

Où est sa douleur ? Quand s’exprime-t-elle ? La nuit, le jour, à l’effort, au repos ? Est-ce qu’il y a des irradiations ? Est-ce que la douleur descend dans la fesse, la jambe ou la cuisse ? Est-ce qu’il y a des antécédents de santé particuliers ? Des chirurgies, des maladies particulières qui seraient à noter, mais également des gros traumatismes psychologiques ?

Et puis il y a des questions que j’aime bien, qui sont abordables à mon avis pour les professeurs de yoga, et qui vont vous aider facilement à mieux guider vos élèves.

Les questions utiles pour le professeur de yoga

Quelle est la posture, la position que la personne prend spontanément pour soulager sa douleur ? Est-ce que, par exemple, il va plus volontiers dans une flexion, auquel cas vous saurez que la posture de repos en Balasana (posture de l’enfant) devrait être confortable, ou bien est-ce que c’est quelqu’un qui a besoin de s’étirer dans un cambré, ou de s’étirer vers le haut pour se soulager ? Alors, peut-être aussi que ce sera une personne qui n’aura trouvé aucune position qui la soulage, et là, ça nous donne quand même une indication sur l’atteinte psychologique de la lombalgie : c’est quelqu’un qui n’est jamais soulagé de son mal de dos.

Et puis ce qui est intéressant aussi, c’est d’entendre de la bouche du patient, de l’élève, ce qui l’aggrave, quelle posture il n’aime pas faire, qu’est-ce qui déclenche sa douleur ? Alors on ne l’écoutera pas forcément, ce n’est pas parce qu’il nous dit « oh là là, j’ai peur de la cambrure » qu’on ne lui fera jamais faire de cambré, loin de là ! Mais on aura mémorisé, et on va être plus bienveillant, plus rassurant, on va l’accompagner pas à pas vers les postures d’extension, et bien observer et particulièrement bien le positionner, bien l’ajuster dans ces postures, qui l’aggravent de son point de vue subjectif.

Les questions à distance

Moi, comme je suis également ostéopathe, je pose des questions à distance de la zone lombaire, et on peut avoir l’impression que ces questions n’ont rien à voir avec le sujet du jour, à savoir le mal de dos lombaire. Donc je m’intéresse par exemple aussi à la sphère ORL : s’il y a des maux de tête, s’il y a des problèmes respiratoires, s’il y a des problèmes digestifs. Voyez, je vais essayer de bien connaître mon patient.

Cet interrogatoire, il est essentiel d’abord parce qu’il permet de mettre en confiance le patient, et pour le thérapeute ça permet d’éliminer les drapeaux rouges, c’est-à-dire les signes de gravité qui nous font réadresser le patient chez son médecin : par exemple si on suspecte une fracture tassement sur un rachis ostéoporotique. Je prends toujours cet exemple : la personne ménopausée qui a soulevé un pot de fleurs un peu trop lourd, et qui depuis a une douleur permanente, continue, intense au niveau du dos, et qui ne trouve pas de répit. Voilà, donc là, il faudrait la réorienter pour faire une radio. Alors, pourquoi je vous détaille le temps de l’interrogatoire ? C’est pour vous expliquer par quel processus j’arrive moi, à déterminer le meilleur exercice, enfin en tout cas ce que je pense être l’exercice le plus pertinent pour mon patient.

Salabhasana : repérer les drapeaux jaunes

Fausses croyances liées au travail

Pendant ce temps d’interrogatoire, je vais peut-être dépister des drapeaux jaunes, c’est-à-dire des fausses croyances qu’il va falloir lever au fur et à mesure de la rééducation. Ça va être par exemple un patient qui vous dit « Je fais très attention à mon dos », et vous voyez bien qu’il prend 1000 précautions pour se relever de la chaise de la salle d’attente. Ce patient peut aussi vous dire « C’est normal que j’aie mal au dos parce que je travaille debout », et dans la consultation suivante vous pouvez avoir un patient qui vous dit « C’est normal que j’aie mal au dos parce que je travaille toujours assis ».

Voyez, donc ça, ça fait partie des fausses croyances. Enfin, en tout cas des croyances qu’il va falloir réussir à questionner. Le problème, ce n’est pas tellement que la personne travaille assis ou debout, c’est qu’elle ne fasse que ça ! C’est qu’elle ne fasse pas de pause au sein de sa journée pour s’étirer, pour marcher un petit peu. Elle n’a peut-être pas assez d’activité physique à côté pour contrebalancer les effets de la position assise. Vous voyez, donc c’est changer la vision de la problématique, et faire comprendre au patient quelle part de responsabilité il peut prendre dans sa guérison.

Une supposée hérédité

Dans le même genre de fausses croyances, on peut avoir le patient qui vous dise « Bah oui, j’ai mal au dos, mais c’est normal, ma mère avait mal au dos, ma grand-mère avait mal au dos, mon arrière-grand-mère avait mal au dos, mon oncle, ma tante, mes frères et mes sœurs… Or en fait, on sait que ce n’est pas héréditaire le mal de dos ! La transmission, elle est épigénétique, c’est-à-dire que c’est le fait qu’on soit sédentaire dans une famille, ou stressé, qu’on n’ait pas l’habitude de l’appropriation du corps, qui fait qu’on a mal au dos.

Il faut y aller évidemment avec beaucoup de tact pour amener ces notions…..

La peur du fauteuil roulant

Ce qu’on entend très fréquemment aussi, c’est le célèbre « J’ai peur de finir en fauteuil roulant ». Donc ça, évidemment il faut l’entendre, et puis il faut donner des clés, des ressources, mais non, il n’y a aucune raison de finir en fauteuil roulant parce qu’on a mal au dos. Je vais vous apprendre à gérer votre mal de dos et à rester actif malgré la douleur, et vous allez voir que probablement la douleur va diminuer, quand vous deviendrez un peu plus actif. Voyez, il faut avoir un discours très rassurant, très empathique, et c’est intéressant de prendre le temps de verbaliser ces fausses croyances et d’échanger avec son patient.

Voilà, alors il y en a beaucoup, des fausses croyances comme ça…De toute façon, ce n’est pas parce que vous avez une blouse blanche que la personne vous croira. Donc, c’est une fois que vous aurez gagné sa confiance et que vous aurez commencé à travailler avec elle, qu’elle verra par elle-même qu’elle est capable de faire de plus en plus de choses, et c’est là qu’elle commencera à prendre confiance dans votre discours également, et à peut-être changer ses croyances. Donc si vous avez quelqu’un qui verbalise beaucoup de fausses croyances comme ça déjà dès l’entretien, vous savez que c’est un drapeau jaune et un risque de chronicité de la douleur.

Les kinésiophobes détestent Salabhasana

Surprotéger son dos

Alors pendant cette phase d’entretien, vous allez vraiment observer la gestuelle de votre patient : comment il s’est relevé de sa chaise, comment il s’est déshabillé, quelles précautions il a prises éventuellement.

Et puis vous, en tant que professeur de yoga, vous allez le repérer différemment : vous allez observer la gestuelle de votre élève quand il déroule son tapis par exemple. Est-ce qu’il se met à quatre pattes pour dérouler son tapis, ou bien est-ce qu’il ose se pencher en avant sans crainte, la manière dont il s’y prend pour se déshabiller…Est -ce qu’il bouge normalement ou comme un playmobile dans les postures ?

Et vous allez essayer de repérer si votre élève protège exagérément son dos. C’est très important, c’est un marqueur de kinésiophobie, c’est-à-dire qu’il a la peur du mouvement. Il a peur de bouger. Il est persuadé qu’en bougeant son dos, il va se faire mal, alors que c’est exactement l’inverse qui se passe. C’est à ne plus bouger le dos qu’il devient douloureux chronique. C’est ce qu’on appelle également le déconditionnement à l’effort, et ça il faut vraiment lutter contre. Et pour lutter contre il faut déjà le repérer.

Petite anecdote sur la kinésiophobie

Je me suis déjà fait avoir par des patients, qui me racontaient faire des activités exceptionnelles. J’avais notamment une patiente qui était professeur de danse, et j’étais persuadée donc qu’elle bougeait normalement son rachis. Puis, quand je l’ai mise en mouvement, mais longtemps après le début des séances, je me suis rendue compte qu’elle était kinésiophobe. Mais je ne l’avais jamais remarqué avant, parce que je m’étais fait avoir par sa profession. Et je ne pouvais pas imaginer qu’on puisse être kinésiophobe en étant professeur de danse !

Voilà, comme quoi il faut vraiment observer. Et ces patients là, ils vont avoir très peur de se mettre dans la posture de la sauterelle, Salabhasana. Parce qu’ils ont déjà peur de se mettre à plat ventre au sol sur un tapis ! Pour peu qu’ils aient 45, 50 ans. Voilà, la peur du plat ventre, c’est quelque chose de très courant, très classique. Alors j’ai passé beaucoup de temps, voyez, sur cet entretien, pour bien connaître mon patient. Et maintenant je vais passer à l’examen clinique…

Examen clinique : l’art d’observer son élève

Donc je vais observer mon patient debout, la manière dont il se tient, puis je vais lui faire faire tout un tas de tests en mouvement, notamment se pencher en avant, se pencher en arrière, sur les côtés, faire des torsions, ce qui va me permettre d’affiner mon examen clinique.
Bon, je ne vais pas rentrer dans le détail là, puisque je m’adresse à des profs de yoga. Et vous, vous avez quand même un énorme atout par rapport à nous en cabinet. C’est que vous, vous observez les élèves dans une variété incroyable de positionnements de corps.
Vous pouvez les observer à plat ventre, à plat dos, allongé sur le côté, en posture de triangle, en quatre pattes, en position assise au sol, la tête en bas même si vous voulez !

Voyez, donc vous avez plein de manières d’en déduire « l’organisation » de votre élève.
Donc pour ma part, l’examen clinique va assez vite. Je fais quelques tests. J’ai les référentiels d’autres patients que j’ai examinés sous ma main. Et j’en déduis les deux ou trois pépites, les deux ou trois désordres les plus importants chez mon patient. Ceux que je veux traiter en priorité.

Vous commencez à comprendre que les exercices que je vais lui donner auront comme objectif de traiter ces deux ou trois pépites que j’ai repérées.

Réaliser une synthèse pour choisir la posture la plus adaptée

C’est donc avec la synthèse de tous ces éléments d’antécédents, ce qu’on s’est dit et ce que j’ai pu observer, que je vais aller vers mon traitement, c’est-à-dire à la fois un traitement manuel, et toujours l’enseignement d’au moins un exercice au patient.

Alors là, quand on est kiné, on est plein de bonne volonté. On aurait tendance à vouloir transmettre une encyclopédie d’exercices à nos patients, et l’expérience nous ramène à la triste vérité : personne ne fait jamais nos exercices ! Et plus vous donnez d’exercices, moins vous avez de chances qu’ils soient faits. Donc il faut vraiment se limiter à un, deux ou grand maximum trois exercices à chaque séance. C’est pour ça que ces exercices doivent être vraiment ciblés et pertinents pour vraiment contribuer à prolonger le traitement qu’on fait sur table.

Je ne vous dis pas ça pour me faire mousser : tous les kinés travaillent de la même manière, à partir d’un bilan, et tous les ostéopathes travaillent également de la même manière, à partir d’un bilan. Et donc tout cela m’amène à cette petite anecdote qui m’agaçait beaucoup au début de ma carrière, et puis maintenant soit je me suis habituée, soit je suis devenue une grande yogini, en tout cas, je ne m’agaçe plus !

Le cauchemar du kiné

Donc, quand je me présente dans la vie et que je dis que je suis kiné, très souvent les gens me disent « Ah bah ça tombe bien, j’ai mal au dos ! Quel exercice tu me conseilles ? » Et bah non, moi je ne sais pas conseiller un exercice comme ça, voyez ? J’ai besoin d’au moins 50 minutes pour échanger, faire bouger la personne et pour en déduire l’exercice le plus adapté !

Et là, l’exercice que je vais choisir pour la personne peut être très varié, et peut-être très loin de son motif de consultation. Enfin, en tout cas pour la personne, ça peut sembler loin. Je peux très bien avoir quelqu’un qui vient de me voir parce qu’il a mal au dos, et je vais me contenter de lui proposer des expirations prolongées qui engagent le muscle transverse.

Pour d’autres, ce sera la mobilité, la recherche d’assouplissement au niveau de la zone lombaire.

Pour d’autres, ce sera plutôt des étirements des muscles sous-pelviens, c’est-à-dire les ischio-jambiers, le droit antérieur. Mais, quand même régulièrement, ce sera cette fameuse posture de la sauterelle, Salabhasana.

Les bienfaits mécaniques de Salabhasana

Renforcer les muscles spinaux

Alors, quels sont les atouts de cette posture pour le lombalgique ? Tout d’abord, c’est une posture qui va renforcer les muscles spinaux, c’est-à-dire les muscles du dos. Et là je vous interpelle tout de suite : figurez-vous que la plupart des patients qui viennent nous voir en rééducation et qui veulent faire un exercice pour leur mal de dos, n’ont jamais l’idée de faire les spinaux ! Ils pensent toujours aux abdominaux, ils ont toujours l’impression que c’est en faisant des abdominaux qu’ils amélioreront leurs douleurs lombaires.
Alors qu’on sait, en rééducation, que c’est l’inverse : on doit privilégier le travail des muscles extenseurs par rapport à celui des fléchisseurs, c’est-à-dire les abdominaux.

Augmenter la mobilité en extension

Bon, d’autre part, les patients lombalgiques sont raides en extension pour la plupart. Donc cette posture de la Sauterelle, Salabhasana, leur permet de récupérer de la mobilité vers l’extension.
Je vous donne un petit tuyau qui est de travailler la posture aussi bien en contraction statique, c’est-à-dire : je décolle dans la sauterelle et je tiens au moins 6 secondes ; ou bien, en contraction dynamique, je fais des allers-retours, je monte et je redescends dans la posture de la sauterelle.

Engager les bandhas

C’est intéressant de varier le type de contraction musculaire proposé. Et puis moi, j’ai l’habitude de la guider sur une expiration, puisque je fais inspirer au sol mes élèves, et dans l’expiration je leur propose d’engager les bandhas, le périnée et le transverse abdominal, puis de décoller. Ça permet d’être sûr d’un bon engagement des bandhas, et ça limite les douleurs liées à l’extension. Donc même si cette posture est habituellement guidée par une inspiration en yoga, moi avec un élève douloureux, je vous conseille d’essayer plutôt de la guider sur une expiration. Ce sera beaucoup plus rassurant.

Alors il y a d’autres bénéfices : on travaille toutes les mobilités en extension, mais pas que du rachis, on travaille aussi la mobilité de la hanche en extension. Et puis le redressement thoracique… Quelque part c’est ce qui permet de garder sa jeunesse posturale. À 20 ans, on est tous cambrés, et à 50 ans, déjà on est moins nombreux à être encore cambrés. Et souvent les patients prennent le problème à l’envers : ils estiment que la cambrure fait mal, donc ils n’y vont plus.
Alors qu’en réalité, c’est que parce qu’ils ont perdu la capacité à aller en cambrure que c’est douloureux, et donc il faut retrouver une capacité à cambrer.

Il y a encore d’autres bénéfices.

Ressentir l’autograndissement

La posture de la sauterelle permet de travailler l’auto-grandissement. Ce n’est sans doute pas la meilleure posture pour ça, mais on peut tout à fait le faire percevoir avec un bon engagement des bandhas sur une expiration. On va essayer d’éloigner le sommet de la tête des pieds, et on va dire quelque chose comme : « Essayez de vous allonger horizontalement plutôt que d’essayer de monter vers le plafond. »

Valorisation de son image

Et puis il y a encore d’autres bénéfices : on va également lutter contre la kinésiophobie, parce que je vous ai dit, ça fait déjà très peur d’être allongé à plat ventre, et en plus très peur d’aller vers la cambrure. Alors si votre élève arrive à réaliser Salabhasana, la posture de la sauterelle, c’est qu’il a beaucoup lutté contre sa kinésiophobie. Mais donc, pour certains de vos élèves, il faudra beaucoup de patience pour y arriver, il faudra décliner des étapes pas à pas.

Ainsi, si votre élève y arrive, vous aurez un renforcement positif exceptionnel pour lui. Donc, n’hésitez pas à saupoudrer de vocabulaire positif : « un dos fort », « un rachis souple », et c’est l’exercice de Superman! Alors évidemment, vous n’allez pas dire ça en cours de yoga, mais si vous êtes kinésithérapeute, vous pouvez l’utiliser.

Redressement de la cyphose

Salabhasana, la Sauterelle, permet également l’ouverture de la cage thoracique, et comme on a dit, ça contribue à mettre en étirement doucement la paroi abdominale. Donc, avec tous ces bénéfices, on voit que c’est quand même une très bonne posture pour la personne lombalgique, et moi je la propose quasi systématiquement dans tous mes cours collectifs.
Nous allons voir maintenant les adaptations pour que tout le monde puisse y arriver.

Les variations faciles vers Salabhasana 

La quadrupédie

Alors si votre élève est trop kinésiophobe, et qu’il ne peut pas se mettre à plat ventre, et bien vous allez débuter à quatre pattes, donc en quadrupédie, et puis vous allez lui faire faire les exercices très classiques de lever une jambe et lever le bras opposé…

Vous pouvez également vous amuser à lui faire lever la jambe plus haut que l’horizontale, et le bras un peu plus haut aussi que sa tête, de sorte à ce qu’il aille chercher de l’extension et qu’il commence à s’habituer avec cette sensation d’extension en position quatre pattes.

Appui sur les poignets ou les coudes

Avec ce type de patient, vous pouvez avoir un autre problème : ce sont les douleurs de poignet qui empêchent le travail à quatre pattes. Donc là, vous pouvez très bien proposer de prendre appui sur les deux coudes au sol et, à ce compte-là, de ne faire un travail qu’avec le membre inférieur pour soulager les poignets. Vous ferez alors un simple travail de battement avec la jambe arrière.

Quand votre élève aura bien pris confiance dans la position quatre pattes, il pourra passer à plat ventre, et il va falloir y aller par étape pour le rassurer. Vous n’allez pas pouvoir le rassurer oralement, il va falloir que lui prenne confiance dans sa capacité à être à plat ventre.

La peur du plat ventre

D’abord, vous n’aviez peut-être pas conscience que le plat ventre pouvait faire peur aux personnes lombalgiques chroniques. Donc déjà, apprenez à observer, parmi vos élèves, lesquels peuvent être inquiétés par cette posture, et vous allez simplement proposer dans un premier temps de se mettre à plat ventre, éventuellement très légèrement de 3/4 si vraiment vous avez quelqu’un qui ne veut pas. Et vous allez simplement proposer de respirer avec les deux mains sous le front. De respirer calmement 30 secondes, 40 secondes, puis de sortir de la posture librement, au moment où la personne le souhaite.

Et vous lui poserez la question de ses sensations : est-ce que la douleur a augmenté ou est-ce que ça va ? Vous allez voir que très souvent, ils vous disent « Ah bah oui, finalement j’en suis capable ! ». Alors là, vous sautez sur l’occasion pour dire « Ah bah alors, on refait ! ». On refait deux, trois fois jusqu’à ce que la personne intègre le fait qu’elle peut se mettre à plat ventre sans douleur. Et vous ne manquerez pas de le verbaliser. « Ah, observez comme en fait vous arrivez à vous mettre à plat ventre sans douleur ! Bravo, c’est super, vous prenez confiance en vous, en votre dos ! ».

Engager les bandhas

Progressivement quand la personne sera plus calme et rassurée, vous pourrez lui proposer simplement d’allonger le souffle. Puis, vous allez lui proposer d’allonger le souffle et d’engager les bandhas : mula bandha et uddiyana bandha. C’est-à-dire le périnée et le transverse sur un souffle lent.

Et comme ça, peut-être cinq, six fois, vous allez laisser inspirer la personne et relâcher. Et à l’expiration, vous allez proposer d’engager mula bandha et uddiyana bandha.

Soulever une jambe après l’autre

Et puis vous allez suggérer d’élever une jambe. Alors attention, à ce moment-là en général les gens soulèvent la jambe en perdant les bandhas. Donc, dans votre consigne, vous allez être très clair. Vous allez dire « Et puis à la prochaine expiration, vous maintiendrez bien le gainage et vous lèverez la jambe ».

Vous faites par exemple trois, quatre mouvements avec la jambe droite, et puis vous faites trois, quatre mouvements avec la jambe gauche. Vérifiez bien que la personne garde bien l’engagement des bandhas à l’expiration. Alors là, ce qui se passe très souvent, c’est que l’élève trouve une ruse fantastique : c’est qu’il ne lève que le pied et il ne lève pas la jambe entière, c’est-à-dire qu’il se contente de plier son genou. Donc ce n’est pas du tout ce que vous lui avez demandé !

Vous pouvez lui dire « Soulevez la cuisse du sol », voilà pour qu’il comprenne mieux la consigne.

Soulever les 2 cuisses du sol

Et puis vous allez passer à une autre étape, qui est de soulever un coup la jambe droite, puis à l’expiration d’après, de soulever la jambe gauche, puis de soulever la jambe droite et de soulever la jambe gauche. Donc en alternance, en faisant comme des battements à plat ventre. Vérifiez que votre élève est toujours bien sur l’expiration. Et ainsi vous allez arriver à proposer de soulever les deux jambes.

Vous faites plusieurs fois soulever les deux jambes, et ensuite il sera assez facile de proposer une prise d’appui sur les mains avec le buste qui se soulève, et ensuite l’ensemble du corps qui se soulève.
Saupoudrez au maximum de verbalisations positives pour encourager votre élève et lui faire prendre confiance dans son dos.

Comment placer les bras dans Salabhasana ?

Il y a de nombreuses variations possibles au niveau des bras, quand on débute. En général le plus simple, c’est de les positionner sous le front. On peut mettre les mains au sol à plat à la hauteur de la taille. Ou bien, on va positionner les dos des mains au sol. Et on va demander à la personne de bien serrer ses omoplates. Et cette variation aura l’avantage de faire travailler les muscles fixateurs des omoplates, de redresser la cyphose de manière active.

On peut proposer également de faire joindre les mains dans le dos pour les personnes qui ont des réticences à soulever les bras. J’aime bien une autre variation aussi : garder juste le bout des doigts posés au sol et bien dégager la cage thoracique, mais on garde un contact avec le sol par les pulpes des doigts. On met les bras en général à hauteur du visage, bien latéralement sur le tapis. L’élève peut ensuite placer les bras en position de cactus ou de chandelier. On aura toujours ce beau travail des fixateurs des omoplates.

Et puis enfin, on a la variation Superman avec les bras tendus le long des oreilles, qui est évidemment la proposition la plus intensive.

Soulever les jambes ou le buste dans Salabhasana ?

Donc finalement, on a le choix de proposer des variations où on ne décolle que le buste, où on ne décolle que les deux jambes, ou bien on va décoller le buste et les deux jambes.

À chaque fois, ça a son intérêt, on ne travaille pas exactement les mêmes muscles dans le dos. Si, par exemple je ne soulève que les jambes sans soulever le buste, j’ai un travail plus spécifique au niveau des spinaux lombaires. Et à l’inverse, si je ne soulève que le buste sans soulever les jambes, j’ai un travail plus spécifique de la partie haute du rachis. Dans tous les cas, veillez à bien surveiller les compensations, notamment comment se positionne la tête.

Transition vers les backbends avancés

Voilà, et puis la sauterelle, c’est l’occasion de la poursuivre vers une variation que j’aime beaucoup, qui est rarement proposée, c’est une variation plus intense qui amène vers la posture de l’arc. Évidemment, c’est beaucoup trop intense pour le commun des lombalgiques, mais à terme, quand votre élève n’aura plus mal au dos, il pourra y aller volontiers.

Voilà, alors au début on va commencer simplement allonger à plat ventre au sol, la main droite va venir attraper le pied gauche. Et puis dans un deuxième temps, sur une expiration en engageant les bandhas, on va venir décoller les quatre membres du sol. Ça va rajouter un étirement de la chaîne antérieure et notamment des fléchisseurs de hanche et du muscle quadriceps. Donc c’est très intéressant de coupler ce travail des extenseurs avec l’allongement de la chaîne antérieure.

Le bras libre va en flexion devant pour amener encore plus d’ouverture, et évidemment on peut revenir au sol et puis enchaîner avec la variation de la posture de l’arc, c’est-à-dire les deux bras qui saisissent deux pieds sans croiser cette fois-ci.

Pour finir avec Salabhasana

On peut dire que la posture de la sauterelle a beaucoup d’avantages, et que c’est une posture qu’on peut très facilement proposer à des personnes lombalgiques, mais évidemment ce ne sera pas miraculeux. Je ne veux pas vous laisser croire ici qu’un seul exercice, qu’une seule posture suffirait à vous soulager de la lombalgie. Si vous voulez un discours cohérent sur la douleur lombaire et comment la soulager par le yoga, je vous invite à télécharger gratuitement mon article bonus, en bas de cet article.

N’hésitez pas non plus à commenter cet article, à m’exposer vos difficultés, je réponds toujours avec plaisir à vos questions.

Muriel

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