Jusqu’où faut-il forcer dans la posture de yoga?

Forcer dans la posture de yoga? Certains lecteurs s’étranglent déjà sans doute à la lecture du titre ! Forcer en yoga ? Certainement pas. D’autres me rejoindront dans l’idée que quoi qu’on dise ou fasse, certains de nos élèves forcent trop dans la posture. Alors comment trouver la juste limite, le parfait dosage équilibré qui permette à la fois de progresser, sans risque de se blesser ?

C’est le dilemme auquel sont confrontés de nombreux professeurs de yoga. Car si l’on reste toujours dans sa zone de confort, impossible de progresser ! Il faut oser sortir de sa pratique de base pour explorer de nouveaux espaces dans son corps. Mais jusqu’où aller sans franchir le point de non-retour ? Je suis kinésithérapeute et ostéopathe, passionnée de yoga. Je vais tâcher de vous éclairer sur ces notions avec une approche nuancée. Pas de réponses tranchées mais des pistes pour que chacun trouve sa voie en évitant les écueils. Car si le yoga nous apprend une chose, c’est que chaque corps est unique et nécessite une écoute attentive de ses besoins. Alors, prêts pour trouver votre juste posture ?

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La douleur est un mauvais indicateur d’intensité

Beaucoup de professeurs de yoga prennent la douleur ressentie par leurs élèves comme un indicateur pour déterminer jusqu’où il est possible d’aller dans la posture. N’allez pas jusqu’à la douleur ! Pourtant, ce n’est pas si simple !

En effet, la perception de la douleur est très variable d’une personne à l’autre. Certains vont manifester rapidement une gêne ou une limite dans l’étirement, avec un seuil de douleur assez bas. Pourtant leur corps pourrait aller plus loin sans dommage. À l’inverse, d’autres élèves, mus par un esprit de défi ou une volonté de bien faire, vont occulter les signaux d’alarme et dépasser leurs limites au point de se blesser.

Le professeur de yoga se trouve alors face à un véritable casse-tête. Comment évaluer avec justesse les capacités et les blocages de chacun ? Comment trouver le bon degré d’intensité qui va permettre à l’élève de progresser sans risque ? Car il ne s’agit pas non plus de brider tout le monde par excès de prudence. L’enjeu est de doser finement l’étirement pour rester dans une zone inconfortable, mais non douloureuse, propice aux progrès.

En somme, s’en remettre uniquement à la douleur ressentie n’est pas une méthode fiable pour ajuster l’amplitude d’une posture. Le professeur se doit d’utiliser d’autres indicateurs, plus subtils, pour trouver ce juste équilibre entre défi et prudence.

Observer la respiration pour savoir jusqu’où forcer dans la posture

La respiration de l’élève durant l’exécution de la posture est un indicateur précieux pour le professeur. Tant que celle-ci reste ample, fluide et régulière, c’est que le corps donne son accord et sa possibilité d’aller plus loin dans l’étirement. L’élève peut alors, guidé par le professeur, explorer ses limites en douceur. La respiration doit être vue comme le langage du corps.

Il est particulièrement intéressant d’écouter l’expiration. Ainsi, si l’expiration commence à se bloquer en apnée ou devient saccadée, c’est le signe que l’on est allé trop loin. Le corps se contracte et retient son souffle pour supporter la posture. C’est le signal qu’il faut relâcher la posture et revenir à une respiration plus calme.

Vous pouvez évidemment observer la rougeur de votre élève, sa transpiration, ses grimaces éventuelles…

Analyser le comportement global de l’élève

Le professeur de yoga peut essayer de savoir si son élève est de type trop prudent ou téméraire. Ce sont des informations très importantes pour savoir si l’on doit un peu pousser son élève ou au contraire le freiner.

Outre la respiration, l’attitude générale de l’élève donne de précieuses indications sur sa propension à la prudence ou à la témérité. Dès l’inscription au cours en début d’année, le choix du niveau est révélateur. Le débutant téméraire va vouloir directement s’inscrire à un cours avancé (il ne voudra pas venir en débutant) alors que le prudent choisira un cours de yoga doux pour s’initier, même s’il est très actif à côté.

Puis, en observant un élève s’essayer à des postures simples, le professeur peut juger s’il écoute son corps ou au contraire fonce tête baissée au risque de l’écouter trop tard. Cette évaluation du comportement permet d’anticiper les risques et d’adapter ses consignes à chaque tempérament. Ceci est caractéristique sur les postures avancées, de type équilibre sur la tête. Je suis toujours stupéfaite de voir des débutants se lancer tête baissée dans Sirsasana, sans considération sur le risque de chute, et même sans considération du risque de chute sur le voisin.

Comment trouver la juste intensité de pratique dans les cours collectifs ?

Certaines limites sont-elles infranchissables?

Lorsque l’on cherche à étirer certaines articulations, on rencontre parfois ce que l’on appelle des « butées osseuses ». Autrement dit, un os qui bute contre un os. On a l’impression d’être bloqué et de ne pas pouvoir aller plus loin dans l’amplitude du mouvement, de ne plus pouvoir forcer dans la posture.

Prenons l’exemple des extensions du dos. Beaucoup de pratiquants ressentent une limite qu’ils attribuent à un contact entre leurs vertèbres. Pourtant, ces fameuses butées osseuses sont bien souvent contournables. Même si l’on est limité temporairement, avec du travail et de la pratique régulière, on peut parvenir à dépasser ces blocages.

Comment ? Tout d’abord, en utilisant les bandhas, ces contractions musculaires spécifiques au yoga. En engageant le périnée, le bas-ventre et la gorge sur une expiration, on stabilise les articulations et on « crée de l’espace » en autograndissement. On crée de l’espace entre les vertèbres et donc entre les apophyses épineuses.

On étire activement la colonne vers le haut, on augmente l’espace entre chaque vertèbre et on peut ainsi dépasser les limites articulaires en s’étirant d’abord « vers le haut ».

Alors, plutôt que de se décourager face à une « butée osseuse », voyons cela comme un défi à relever sur le long terme, avec prudence et à notre rythme.

Je vous conseille ainsi de ne jamais dire « jamais » à un élève. Tu n’auras jamais cette mobilité car tu es en butée osseuse est contre productif. D’abord, il est vraiment difficile de prédire jusqu’où chacun ira et si réellement on est en butée osseuse ou pas. Ensuite, on ne peut ignorer la force du mental. Ainsi, dire « jamais » à un élève, depuis notre statut de professeur de yoga (ou pire de kinésithérapeute), c’est à tous les coups l’enfermer dans une croyance limitante contre-productive.

Quelques règles à garder en tête pour ne pas trop forcer dans la posture

En somme, trouver le juste degré d’intensité dans une posture reste un exercice subtil, propre à chacun. Plus le professeur de yoga sera expérimenté, moins il se posera ses questions et plus il sentira les réponses par tous ses sens, même non conscients (la vue de l’élève dans la posture et ses compensations, l’écoute de sa respiration, le ressenti des enjeux psychologiques…). Plus que des règles universelles, l’essentiel est de rester à l’écoute des limites de chacun.

Je vous conseille enfin de privilégier les postures actives, dans lesquelles le pratiquant garde le contrôle du mouvement et la vigilance musculaire, plutôt que des étirements passifs. Veillez à faire conserver une respiration profonde, continue, qui est le reflet d’une pratique adaptée.

Alors osons explorer notre plein potentiel, avec patience et sagesse, et ne sabotons pas celui de nos élèves par des affirmations trop abruptes. Le yoga est un long voyage, fait de défis et de découvertes, si l’on prend soin de rester à l’écoute de soi.

Et vous dites-moi en commentaire, quelles sont vos ruses pour savoir jusqu’où faire forcer vos élèves dans les postures de yoga ? Arrivez-vous à prédire leurs progrès à venir ? Faites-les vous forcer dans les postures ou pas?

Muriel

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7 réflexions sur “Jusqu’où faut-il forcer dans la posture de yoga?”

  1. Merci pour cet éclairage ! Le souffle est un bon indicateur en effet, une des principales erreurs de jeune prof est de prévoir des cours trop avancés. On se rend alors compte que les élèves respirent trop vite ou ne respirent carrément plus haha ! Sinon, en cours particulier j’aime bien proposer un nombre de séries à faire (par exemple : 5 montées en cobra) tout en laissant libre d’arrêter avant ou d’aller un peu plus loin.

    1. Merci pour ton retour d’expérience Claire ! Effectivement, au début on prévoit trop de postures et trop intenses…et le lien au souffle est vraiment difficile à trouver et maintenir. Merci.

    1. Merci Sylvie ! Tu peux aussi adapter cette astuce à ta pratique dans l’enseignement ou dans l’art thérapie par exemple… Merci pour ta lecture !

  2. Diane revillard

    Merci Muriel, c’est très instructif de voir comment chacun repousse ses limites : du petit signe au maximum du supportable.

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