Bernadette de Gasquet : ses 7 vérités incontournables sur le périnée

Bernadette de Gasquet. Est-il encore utile de vous la présenter ? Mes lecteurs sont parfois surpris que je fasse aussi souvent référence à elle. Vous savez sans doute que je suis kinésithérapeute de formation et pour moi, Bernadette de Gasquet est LA figure incontournable de la rééducation périnéale, la Reine Périnée.

Certes, Princesse Périnée, à qui j’ai également consacré un article, apporte une touche décomplexée et plus actuelle sur le périnée, notamment en abordant sans tabou la sphère sexuelle, mais Bernadette De Gasquet reste la référence dans le monde de la santé.

Vous savez sans doute qu’elle était professeur de yoga avant d’être médecin. J’ai découvert récemment une pépite de podcast sur sa vie, ses intuitions et sa farouche détermination à transmettre autour du périnée. Cela m’a donné envie de vous écrire une synthèse sur les apports essentiels de cette pionnière.

Depuis, figurez-vous que j’ai eu la joie immense d’interviewer Bernadette de Gasquet, elle a donc relu cet article et apporté quelques modifications à la version initiale de cet article, qui respecte désormais sa pensée !

Je ne peux que vous recommander chaleureusement l’écoute du podcast, cliquez sur l’image ou ici, pour y accéder ! Je vous conseille également la lecture ou l’écoute de notre interview, plus récent.

Qui est Bernadette de Gasquet?

Économiste de formation et professeur de yoga

Bernadette de Gasquet est donc une figure incontournable dans le monde de la santé féminine et de la rééducation du périnée. Économiste de formation, également diplômée de Sciences po, elle découvre le yoga dans les années 70. Puis, elle devient rapidement la fondatrice du yoga prénatal, presque « par hasard », en donnant des cours à ses copines enceintes. Ses propres expériences de grossesses et d’accouchements lui révèlent l’importance d’une approche corporelle adaptée.

C’est le début d’un long combat pour promouvoir une autre vision de l’accouchement, plus respectueuse du corps des femmes, puis pour faire reconnaître l’intérêt d’un travail spécifique autour du périnée, de la respiration et de la posture. Malgré l’incompréhension du corps médical à l’époque, Bernadette de Gasquet persévère et s’entoure de grands noms : Jacques Thiebaut, professeur de yoga, kinésithérapeute et professeur d’anatomie, ou Alain Bourcier, kinésithérapeute périnéologue, qui a introduit la rééducation périnéale en France et même Adalbert Kapandji, dont les ouvrages de biomécanique nous donnent des sueurs froides durant nos études de kiné les veilles d’examen.

Médecin, conférencière, auteure, formatrice…

Face aux limites rencontrées sans formation médicale, elle ré-entreprend des études, de médecine cette fois, âgée alors de presque 40 ans et avec 3 enfants en bas âge ! S’en suit une thèse remarquée et primée, bien que totalement incomprise par ses jurés de l’époque, ignorant tout de l’incontinence due à l’accouchement !

Aujourd’hui, âgée de plus de 70 ans, Bernadette de Gasquet continue son combat pionnier pour sensibiliser aux enjeux fondamentaux du périnée tout au long de la vie des femmes. Elle est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages, donne des formations et des conférences un peu partout dans le monde et en France. Elle a également fondé l’Institut De Gasquet en 2010, avec l’aide de ses filles. Bernadette de Gasquet reste à ce jour la prêtresse d’un périnée abordé dans sa globalité, en lien étroit avec le corps et la psychologie des femmes.

1. Pour une approche globale du périnée

Les idées préconcues sur la rééducation périnéale

Laissez-moi vous conter ma première rencontre avec la rééducation périnéale. Âgée de la fierté de mes 19 ans, je débute mes études de kinésithérapie, ce qui signifie que je n’en savais encore rien. La mère d’un de mes amis de l’époque me suggère de me spécialiser en rééducation périnéale, ce qui lui semble porteur. Je me revois lui répondre assez sèchement, que je ne souhaite pas un cadre aussi réducteur de pratique.

5 ou 6 ans après à peine, j’entame cependant avec fébrilité une spécialisation en rééducation périnéale, et je réalise à quel point je me suis trompée. Il n’ y a pas rééducation plus globale que celle du périnée, à part peut être celle du rachis. Aborder une femme pour sa rééducation périnéale, c’est en effet bilanter et rééduquer son périnée, sa posture, sa respiration, son hygiène de vie par un calendrier mictionnel, son transit intestinal, sa vie sexuelle, sa vie sportive, son mal de dos et j’en passe, le tout dans un contexte émotionnel intense, dont on ne peut pas faire abstraction : celui de la maternité ou des questionnements liés à la ménopause.

La réalité du terrain en rééducation périnéale

Il n’est pas rare que vous finissiez la séance avec bébé qui gazouille sur un tapis au sol ou carrément dans vos bras. Ce geste qui me semble tout à fait naturel (ne pas laisser un bébé hurler à côté de sa mère allongée sur votre table de soins) crée du lien et des émotions fortes. Préparez aussi votre boîte de kleenex pour les jeunes mamans épuisées. J’ai toujours été surprise de la reconnaissance que ces mères me témoignaient des années après. « Vous vous souvenez ? Vous lui redonniez sa tétine et vous m’aviez donné une feuille XXL de drap d’examen car vous n’aviez pas de kleenex ! »

Bref, oubliez l’idée du kiné qui branche des sondes et collectionne les cartes vitales… La rééducation périnéale est devenue une rééducation passionnante et globale, que Bernadette de Gasquet nous transmet par son approche posturo-respiratoire. Le périnée doit être abordé de façon globale, en lien avec la posture, la respiration et la vie psychique et émotionnelle de la patiente. On est à des années lumières d’une question de muscles isolés.

2. Éduquer la patiente à son périnée

Selon Bernadette de Gasquet, il est primordial que les femmes acquièrent une bonne connaissance de leur périnée, région totalement méconnue car intérieure et encore taboue, of course ! Ainsi, pour vous donner un niveau global de connaissance sur le périnée, la plupart des gens se demande si les hommes ont aussi un périnée.

Alors je réponds ici : oui les hommes ont aussi un périnée, mais on en entend moins parler car leur périnée souffre moins que celui des femmes, du moins dans leur jeunesse (pas d’accouchement, pas de fente vaginale qui affaiblit mécaniquement le périnée, les hommes sont épargnés au début). Ils commencent à s’inquiéter de leur périnée en même temps que de leur prostate.

Bernadette de Gasquet insiste donc : grâce à l’éducation, aux explications patientes et répétées et à un travail de perception, de proprioception, la patiente va progressivement sentir et visualiser les contractions de son périnée. Elle sait alors précisément quels groupes musculaires travailler et comment.

Vous vous doutez bien que cette éducation au schéma corporel permet d’obtenir de meilleurs résultats qu’avec la seule intervention du professionnel de santé ou pire, qu’une sonde utilisée seule à la maison. La rééducation devient un travail commun, dans lequel la femme est là encore actrice, et le thérapeute, éducateur ! En tant que thérapeute, il faut donc du temps, de la disponibilité et de la patience pour bien (ré)éduquer une femme à son périnée.

3. Une prise en charge sur mesure en rééducation périnéale !

Là encore, pas de recette miraculeuse de rééducation et surtout pas de rééducation possible sans un bilan précis. Prenons 2 exemples simplistes pour être claire.

Martine me consulte pour son périnée, elle souffre d’incontinence urinaire quand elle éclate de rire. Après un bilan manuel, j’observe que son périnée est hypotonique (faible). Je vais donc axer ma rééducation d’abord sur le renforcement musculaire.

Puis, Sylvie me consulte également pour le même motif. Lors de mon bilan, je découvre un périnée hypertonique, donc en perpétuelle contraction. Quand Sylvie éclate de rire, son périnée ne peut pas se contracter plus. Il est épuisé. Dans ce cas, je vais axer ma rééducation sur le relâchement du périnée, pardi !

Mais sans bilan, je n’aurais pas pu orienter ma rééducation et mes patientes n’auraient pas pu me guider non plus. Si vous avez un périnée hypertonique, c’est votre norme, vous n’avez pas de moyens de comparaison et vous le jugerez sans doute trop faible, puisque vous souffrez d’incontinence.

Bernadette de Gasquet le répète donc à l’envie : il faut une approche sur-mesure en rééducation périnéale. Une même technique ne peut convenir de manière identique à toutes les patientes.

4. De Gasquet : Un « périnée intact » n’est pas un périnée sain

Selon Bernadette de Gasquet, un « périnée intact » après l’accouchement ne signifie pas forcément un périnée en bonne santé. Même sans lésion apparente, même dans le cadre d’une césarienne, le périnée a subi un stress important qu’il faut accompagner.

Un périnée peut se révéler rigide, asymétrique ou peu tonique malgré un examen clinique rassurant au premier abord. Une rééducation est alors bénéfique pour revenir à un bon équilibre musculaire, à un tonus correct. D’autre part, la rééducation est l’occasion d’approcher la femme globalement dans sa posture, sa respiration et de l’éduquer à un travail préventif protecteur de son périnée. Car oui, le périnée est intact après l’accouchement d’un point de vue médical, mais qu’en sera-t-il 20 ans après ?

Bernadette de Gasquet se désespère donc de constater que, même en France, pays pourtant pionnier en la matière, la rééducation périnéale après l’accouchement n’est plus systématiquement prescrite, faute de preuve de son efficacité ! Il est en effet difficile de mesurer l’efficacité d’une technique préventive. Son combat doit être poursuivi !

5. L’expiration est l’alliée du périnée

Contracter le périnée sur une expiration

L’expiration joue un rôle majeur dans le renforcement du périnée, en synergie avec le transverse abdominal (couche profonde des abdominaux). Un bon travail expiratoire permet de solliciter le périnée de manière optimale. L’expiration doit être privilégiée dans les exercices de renforcement, mais aussi pendant l’accouchement. Le souffle guide donc le mouvement.  » Je serre, puis je souffle » ou « je souffle depuis le périnée », comme j’aime à le répéter à mes patients pour les aider à mémoriser la coordination respiratoire. Cependant, une expiration juste ne garantit pas une contraction automatique du périnée, qui doit être engagé de manière volontaire, dans le sens de la remontée.

Engager Muhla Bandha sur une inspiration?

Alors oui, chers lecteurs passionnés de yoga, j’anticipe votre surprise, vous, qui souvent inspirez en engageant les bandhas. Bernadette de Gasquet recommande d’expirer en contractant le périnée ! Oui, vous avez bien lu, pas d’erreur.
Pour l’anecdote, ma stupéfaction fut la même que vous ! J’étais très formée en rééducation périnéale quand j’ai débuté le yoga et j’étais persuadée que ma prof de yoga se trompait, quand elle nous conseillait d’inspirer en engageant le périnée !

Le yoga a-t-il une visée thérapeutique?

Replaçons donc le yoga dans son contexte anthropo-historique s’il vous plaît, dédicace spéciale à Raphael Voix, dont j’ai la chance de recevoir les enseignements. Pas besoin d’être chercheur au CNRS comme lui, pour imaginer que le yoga des Brahmans n’avait pas pour vocation de rééduquer les femmes en post-partum !

Ceci étant dit, je ne compte pas résoudre aujourd’hui ces débats : pratique-t-on encore du « yoga », si on lève les bras sur une expiration dans Surya Namaskar La Salutation au Soleil? Le terme yoga peut-il être accolé à prénatal ou même à thérapeutique? Si un jour j’ai une réponse qui fait consensus, je vous ferai signe.

Je ne suis pas dans la tête de Bernadette de Gasquet, alors je vais parler en mon nom. En tant que kiné, je détourne constamment le yoga pour en faire un outil thérapeutique et l’adapter à chaque patient. Je le fais avec le yoga particulièrement car la palette des outils à disposition est inégalée (travail postural, respiratoire et mental). Donc engager les bandhas sur une expiration ne me pose aucun problème, tant que c’est plus pertinent pour mon patient. Ma vocation actuelle n’est pas de transmettre le yoga, mais bien de soigner.

Si vous voulez la réponse de Bernadette de Gasquet à la question, « le yoga méthode de gasquet est-il encore du yoga? » je vous invite à écouter cet extrait.

6. S’inspirer des savoirs traditionnels

Tout au long de sa carrière, Bernadette de Gasquet s’est également enrichie des savoirs traditionnels liés à la maternités. Elle a voyagé au Maghreb, au Japon ou en Chine. Elle a pu observer les pratiques ancestrales autour de la grossesse et de l’accouchement. Par exemple, le bandage du bassin effectué après la naissance dans plusieurs pays l’a particulièrement intéressée. Elle s’est passionnée également pour les positions traditionnelles d’accouchement, telles qu’accroupie ou à quatre pattes. Ces positions d’accouchement sont plus physiologiques que la position dite d’examen gynécologique.

Bernadette de Gasquet aime « tester sur elle » ces techniques traditionnelles pour en saisir les effets concrets. Ainsi, elle s’est fait poser des ventouses marocaines, bander le bassin à la manière japonaise, ou encore habiller d’un kimono de post-partum.

Cette immersion lui a permis de mesurer l’importance des 40 jours après la naissance, période de repos et de récupération dans de nombreuses cultures. Un enseignement précieux qu’elle continue de transmettre. En France, nous avons une approche souvent opposée !

Les femmes sont plutôt encouragées par la société à se ménager pendant la grossesse, quand elles devraient rester actives. mais elles se retrouvent souvent seules, sans soutien logistique et sans possibilité de repos après l’accouchement, surtout au 2 ème enfant. On devrait pouvoir offrir une vraie période de repos de 40 jours aux femmes après l’accouchement. Alors que la société attend d’elles implicitement, qu’elles soient des wonderwomen, en forme, dynamiques et pimpantes dès la sortie de maternité. Comment vous dire à quel point ce combat là fait sens pour moi ? Nous sommes en plus les premières à nous engouffrer, toutes seules, comme des grandes, dans ce mythe de la wondermaman.

7. Quelques dernières vérités qui fâchent !

Les étudiants en santé et les enfants toujours au stade 0

Le chemin est encore long pour que ce combat pour les femmes, la maternité et le périnée soit ancré. Il y a, encore aujourd’hui, des lacunes pour ne pas dire une absence totale dans la formation initiale des professionnels de santé. Ainsi, en kinésithérapie, la formation initiale en rééducation périnéale est quasiment inexistante. Il faut une démarche personnelle du professionnel de santé qui décide de se spécialiser après ses études.

Les jeunes générations ne sont pas plus éduquées que nous ne l’étions, au schéma corporel. Bernadette de Gasquet milite pour un sport à l’école différent : un peu de prise de conscience respiratoire ou posturale par exemple. J’étais ravie d’apprendre qu’elle détestait le sport à l’école, je me suis sentie moins seule !

Un eldorado commercial

Le périnée et la maternité sont également des sujets hyper vendeurs en marketing. Imaginez donc l’aubaine, 2 des 3 besoins fondamentaux de l’humain réunis : l’amour et la santé ! Si en plus les bébés nous rapportaient de l’argent, le post partum serait l’eldorado commercial absolu ! C’est déjà pas mal le cas et Bernadette De Gasquet dénonce un business florissant autour de la maternité et du périnée : boules de geisha en auto-rééducation, œufs de yoni en jade, sondes diverses, outil indispensable et coûteux qui mesure votre « potentiel orgasmique »… Bernadette de Gasquet met donc en garde contre les nombreuses fausses informations qui circulent au sujet du périnée. Des dogmes absolus aux produits miracles, beaucoup de manipulations existent.

Le kiné rééduque le périnée avec cette vision globale

Enfin, le Dr Gasquet précise que par leur formation, les kinésithérapeutes ont cette approche globale du périnée. En effet, nous sommes formés à cette approche holistique de la posture et de la respiration, nous savons lire les corps dans leur globalité et ne restons généralement pas focalisés sur le périnée, comme muscle isolé.

Dernier conseil pour les professeurs de yoga,

J’aimerais conclure cet article par un dernier conseil pour mes lecteurs, professeurs de yoga pour la plupart. Le cours de yoga est un des rares lieus dans la société où l’on parle périnée. Vous serez donc forcément confronté un jour où l’autre à une élève qui vous confie avoir besoin de renforcer son périnée ou bien qui est gênée par des fuites urinaires ou des pets intempestifs dans la redoutable posture du Bateau Navasana ou en revenant de la Charrue Halasana.

Vous pourriez être tenté de l’aider, en lui suggérant des exercices de prise de conscience ou de renforcement des bandhas.

Je suis au regret de vous dire que ce n’est pas lui rendre service. C’est même une perte de chance. Plus la rééducation du périnée est prise en charge précocement, plus elle est efficace. Rééduquer par « voie externe « , par dessus un legging en cours de yoga, est à des années lumières de ce que l’on doit pratiquer pour cet élève : un bilan précis avec un testing pour proposer une rééducation adaptée et globale. Donc si un élève vous confie avoir des difficultés avec son périnée, la seule réponse possible est « Consultez un professionnel de santé spécialisé ». Rien ne vous empêche en parallèle de poursuivre le yoga, mais avec quelques adaptations pour éviter les fuites urinaires, par exemple en engageant les bandhas sur l’expiration plutôt que l’inspiration ! (Je suis têtue).

Allez dites-moi en commentaire, ce que vous avez appris sur Bernadette de Gasquet ou le périnée. Vous sentez-vous concerné par son combat ?

Muriel

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