Dr Lionel Coudron ? Son nom vous est forcément familier. Lionel Coudron est une référence incontournable dans le monde de la yogathérapie. Pionnier depuis les années 80 des liens entre yoga et santé intégrative, il prône une approche globale du sujet associée à la médecine conventionnelle. En 1993, il fonde l’IDYT (Institut De Yoga Thérapie) et a déjà formé plus de 1000 yoga thérapeutes depuis.
J’ai eu la chance de l’interviewer sur un sujet fascinant : les pouvoirs thérapeutiques de la respiration. Cette rencontre m’a charmée, je le concède, par cette alliance unique entre science médicale et sagesse yogique.
Au menu de cette interview interactive, Lionel Coudron répond aux questions des professeurs de yoga : quels sont les véritables effets thérapeutiques de la respiration? Comment peut-elle apaiser l’anxiété, prévenir les migraines ou encore soulager les douleurs chroniques comme l’arthrose?
Découvrez son expertise en vidéo ou à l’écrit!
Bonne découverte.
Introduction
Muriel : Je vous remercie sincèrement d’avoir accepté mon invitation. Vous avez suscité un enthousiasme incroyable ! J’ai reçu, figurez-vous, 93 questions sur la respiration pour vous. Nous sommes là jusqu’à 2h du matin !
Lionel Coudron : C’est parfait ! Avec plaisir ! Je crois que c’est le sujet qui entraîne un grand enthousiasme, parce que tout le monde qui est présent, je pense, est conscient de l’importance de la respiration, de sa position centrale et de la nécessité de pouvoir la travailler. Il y a beaucoup de solutions et c’est ça qui est en effet enthousiasmant. C’est ce qu’on va voir aujourd’hui à travers ces 93 questions.
Muriel : Exactement ! Malheureusement, on n’aura peut-être pas le temps de toutes les parcourir. Cet interview est un rendez-vous vraiment exceptionnel qui est parrainé par l’Institut de Gasquet, et proposé dans le cadre de son Congrès Respirations. Le congrès Respirations de l’Institut de Gasquet a eu lieu en novembre 2024 à Paris. Retrouvez-ici quelques extraits et partages de ce congrès.
Qui est le Dr Lionel Coudron ?
Lionel Coudron : la découverte du yoga dès l’adolescence

Muriel : Mais pour commencer, peut-être que dans mon audience, les gens ont envie de savoir un peu plus qui vous êtes. Quel est votre parcours, votre rapport au yoga ? Étiez d’abord professeur de yoga ou d’abord médecin ? Racontez-nous tout !
Lionel Coudron : Bonne question ! En effet, c’est plutôt le yoga qui m’a amené à la pratique de la médecine. Mais un peu comme Bernadette De Gasquet d’ailleurs. Bernadette est venue sur le tard à la médecine, je dirais ; elle a avant tout démarré par le yoga.
Pour moi, c’était pareil, j’ai fait la rencontre du yoga à l’âge de 14 ans. Je pense que tout le monde va me comprendre : lorsqu’on est dans une posture de yoga, il y a un ressenti. Quelque chose se passe, qui est de l’ordre de l’intimité, je dirais, mais on sent que ça fait quelque chose. On n’est pas le même avant et après la posture. Eh bien cela m’a donné cette envie de poursuivre l’aventure, l’expérience du yoga. Et à 14 ans, on a envie de découvrir un petit peu tout. C’est vrai que je me passionnais aussi beaucoup pour d’autres domaines, comme la psychanalyse par exemple, mais encore bien d’autres sujets. Donc, tout naturellement, j’ai voulu être professeur de yoga.
Yoga : L’envie de comprendre par la médecine
Lionel Coudron : Et mon professeur de yoga m’a dit : « Mais écoute, Lionel, c’est bien si tu fais médecine, tu pourras encore peut-être comprendre, percevoir, et puis… surtout être tranquille pour faire ce que tu voudras. » Et voilà, je me suis mis à faire médecine. D’entrée de jeu, j’ai été sollicité en tant qu’étudiant en médecine. Alors, il faut dire que mon frère s’est associé à l’aventure. Il a 18 mois de moins et tous les deux, on s’est motivés, et c’était une véritable émulation.
On était souvent sollicités par des amis, qui faisaient des stages avec nous. Ils nous posaient des questions : que faire en cas de sciatique ? en cas d’asthme, que penser de la posture sur la tête…etc ? Donc, de fil en aiguille, on a fait des réunions, des congrès. Et depuis 1987 maintenant, on a organisé, dans le cadre de l’association médecine et yoga, des congrès de yoga, des colloques de yoga et santé. On a invité énormément de personnes. C’est à cette époque qu’on a invité Bernadette de Gasquet, qui nous présentait déjà ses travaux. Elle était encore étudiante en médecine et redémarrait ses études.
Lionel Coudron fonde L’Institut De Yoga Thérapie (IDYT)
Par la suite, en tant que médecin, j’ai développé l’Institut De Yoga Thérapie (IDYT), dans le but d’approfondir de façon plus formelle, de A à Z, par une formation cohérente, l’importance de la place du yoga dans le domaine de la santé. L’Institut De Yoga Thérapie forme, entre autres, des yoga-thérapeutes, pour appliquer le yoga en tant que thérapie, en tant que soin, dans le cadre d’un parcours de soins coordonnés, en complément et avec les autres nombreux moyens mis à notre disposition : la psychothérapie, la kinésithérapie, la médecine, la chirurgie, l’ergothérapie, etc..
Muriel : Oui ! De ce fait, avec l’Institut De Yoga Thérapie, l’IDYT, on vous décrit souvent comme le pionnier de la Yoga Thérapie. Vous vous êtes formé où en yoga ? Quelle lignée ?
Lionel Coudron : En France, et je le revendique parce qu’on a vraiment eu de très bons enseignants, et il y a eu une très belle organisation de l’enseignement du yoga, depuis l’arrivée de Shri Mahesh dans la deuxième partie du 20ᵉ siècle. Après, bien sûr, j’ai fait quelques voyages en Inde, mais j’ai essentiellement appris le yoga en France. Vous le savez, chacun de vous le sait, c’est une pratique personnelle, c’est une expérience, et on invite toujours tout le monde à expérimenter sur soi, et après ça crée un effet boule de neige.

Pour une approche scientifique des bienfaits du yoga
Les effets thérapeutiques du yoga : d’abord une conviction pour Lionel Coudron
Muriel : Du coup, pour vous, la conviction de la Yoga Thérapie a vraiment été évidente, elle s’est construite avec votre parcours… Vous avez fait tout de suite les premiers liens, dès que vous avez commencé à étudier la médecine, avec ce que vous pratiquiez en yoga ?
Lionel Coudron : Ah oui, tout à fait ! Parce qu’il y a eu deux choses : la conviction était là dès le départ, puis vous savez, quand vous êtes sur un tapis de yoga, votre voisin n’a plus mal au dos depuis qu’il fait du yoga, il dort mieux, a moins de problèmes digestifs. On avait fait une étude en 1987, dans le cadre de l’association médecine et yoga, et 70 % des personnes venaient au yoga pour des raisons de santé. Donc c’est la majorité. Quand je dis raisons de santé, cela inclut aussi le stress, l’anxiété, la dépression, l’angoisse, les sensations désagréables, et bien sûr, les douleurs ou un accompagnement pour une grossesse (et ça, évidemment, Bernadette en est la spécialiste), mais aussi tous les domaines de notre bien-être.
Les bienfaits du yoga validés scientifiquement au XXIème s
Lionel Coudron : Après, il y a une deuxième phase, si vous me permettez, qui est également passionnante : c’est celle du 21ᵉ siècle, du monde moderne, où on a vu la multiplication des études sur le yoga. Parce que même si les premières études remontent aux années 1920, où on a eu des expérimentateurs et des chercheurs qui ont fait un travail très sérieux dès les années 1924, la réalité, c’est que la multiplication des études de par le monde, par des équipes internationales, a été exponentielle depuis les années 2000, 2004 précisément. Aujourd’hui, on a entre 800 et 1000 études par an à peu près, qui sont de bonne qualité scientifique, d’un haut niveau de fiabilité, et qui effectivement démontrent ce que l’on sait par intuition depuis toujours, que ‘‘le yoga a un avantage, un bénéfice, en termes de santé’’.
Muriel : Excusez-moi, je suis obligée de vous poser la question : est-ce que par hasard, il y a une étude qui, au contraire, vous a surpris par son résultat négatif ? Par exemple, une chose sur laquelle vous vous attendiez à ce que le yoga ait un effet, et puis finalement, il s’avère que l’étude montre qu’il n’y en a pas. Est-ce que c’est arrivé dans ce sens-là aussi ?
Un impact thérapeutique corrélé au temps de pratique
Lionel Coudron : Très sincèrement, je n’ai pas souvenir de cela. Ou alors, je l’occulte peut-être inconsciemment. En tout cas, je n’ai pas d’exemple en tête. Je dirais simplement qu’effectivement le yoga ne peut pas tout faire. Il n’est pas non plus miraculeux. Justement, c’est ça qui est très intéressant: on a aussi, dans ces études, des explications qui montrent l’intérêt de la pratique du yoga, mais en même temps, c’est beaucoup de bon sens. Donc il n’y a rien d’extraordinaire, rien d’alchimique, rien de magique ; derrière, il y a des explications. On peut bien sûr s’attendre à ce que le yoga ne guérisse pas tout, mais accompagne.
En tout cas, ce qui en ressort, c’est une corrélation claire, nette et précise entre l’investissement de la pratique du yoga, et les résultats. Et c’est ce que l’on constate aussi, en tout cas, nous à l’IDYT, où on a formé des centaines de personnes, avec à la clé des centaines de mémoires, peut-être 500/600 mémoires de très haute qualité. Alors, évidemment, il faut avoir des résultats, des objectifs, qui sont réalisables. On est bien d’accord que, par exemple, dans des pathologies comme le cancer, on ne guérit pas le cancer. Je veux dire, ça ne nous viendrait pas à l’idée de l’imaginer ne serait-ce qu’un instant. Ce que l’on fait, en revanche, c’est qu’on va évaluer la qualité de vie, l’anxiété, l’intensité de la douleur, la fatigue. Et là, on a des résultats qui sont positifs et qui sont corrélés à l’investissement, directement corrélés au temps de pratique.
Lionel Coudron : Les bénéfices généraux de la respiration
Comprendre les vertus de la respiration sur l’anxiété, le stress, le trac…
Muriel : C’est déjà passionnant ! On va avancer vers la respiration, petit à petit, si on veut avoir une chance de finir les 93 questions. Et vous verrez, il y a des questions captivantes, sur l’asthme, justement, sur des pathologies précises. Mais déjà, dans un premier temps, est-ce que vous pouvez faire un petit tour d’horizon des vertus thérapeutiques de la respiration ?
Lionel Coudron : Alors, la respiration est directement reliée à notre état. Selon ma fréquence respiratoire, mon amplitude respiratoire, je ne serai pas dans le même état. Et de ce fait, ça va avoir une répercussion sur mon état général, et donc sur les possibilités de mon organisme à faire face à une agression, à une maladie, qui en elle-même peut aussi être une agression, à une hospitalisation, à une intervention. Donc, le fait de pouvoir moduler cette respiration va moduler notre état psychologique, mais aussi notre état physiologique.
À partir de là, ça va avoir des répercussions déjà sur tout ce qui appartient au domaine de l’anxiété, de l’humeur, du stress, du trac. Il n’y a pas une seule méthode qui gère le trac qui n’utilise pas la respiration. Je veux dire, c’est naturel. Et quand vous êtes énervé, même si ça risque de vous énerver encore plus, on va vous dire “Respire profondément, respire calmement”. Quand on n’a pas d’entraînement, souvent, ça provoque l’inverse ; cela énerve encore plus (Lionel Coudron montre une inspiration forcée réalisée par quelqu’un de peu entrainé à respirer). Mais quand on a un peu d’entraînement, on va tout de suite pratiquer une respiration profonde, calme, ample. D’où l’intérêt de la pratique et de l’entraînement. De ce fait, directement, on est dans un état différent.
Le rôle de la respiration sur le système parasympathique
Lionel Coudron : Et puis, quand on respire calmement, lentement (déjà, je sens les questions : oui, il y a des hyperventilations), il y a un mécanisme fondamental de base. C’est le système neurovégétatif, et en particulier parasympathique, qui est un peu remis à la mode par des approches qui réinventent le fil à couper le beurre. Et je ne sais pas pourquoi, parce que pour le coup, je peux vous dire que quand j’ai fait mes études de médecine, dès le premier jour où j’en ai entendu parler, c’était une évidence, mais c’est un peu occulté dans le monde médical. Ce qui est bien, c’est que de temps en temps, on a besoin de remettre à la une, en première page, des évidences. Pour ça, il faut changer le paquetage.
Muriel : Je suppose que vous parlez du nerf vague ?
Lionel Coudron : On découvre l’importance du nerf vague. Mais surtout, ce sont des observations qui ont déjà une vingtaine, voire une trentaine d’années ! Et là encore, c’était passé inaperçu ! Le parasympathique agit non seulement sur la dilatation de la pupille (en l’occurrence, plutôt la constriction de la pupille), sur la dilatation des bronches ou plus exactement sur le rétrécissement des bronches. On en parlera peut-être tout à l’heure. Donc, non seulement le système neurovégétatif agit sur les organes automatiques par ce système neurovégétatif automatique, mais il agit aussi sur le système immunitaire. Et ce n’est pas rien !
Le lien essentiel entre respiration, immunité et inflammation
Lionel Coudron : Peut-être que pour beaucoup d’entre vous, le système immunitaire est un système qui est le système de défense de l’organisme avec les lymphocytes contre les virus et contre les bactéries. Mais, le système immunitaire est aussi et avant tout, pour cela, un système qui permet l’inflammation. Hier, c’était la journée de la Santé Mentale. Encore ce matin, j’entendais à la radio un médecin qui expliquait que l’alimentation avait un impact sur le système immunitaire, l’inflammation, et que cela avait un rôle déterminant dans la dépression ! Eh bien, je le redis donc clairement : pourquoi la respiration est importante ? Parce qu’elle agit sur notre humeur et parce qu’elle agit aussi par le biais du système neurovégétatif sur l’inflammation générale.
Elle calme l’ensemble du fonctionnement des organes, diminue l’inflammation. Elle est par exemple utilisée et efficace dans beaucoup de pathologies dites inflammatoires. Quand on parle de maladies inflammatoires, on ouvre vraiment la liste et là, c’est l’avalanche. On voit les maladies de civilisation comme le diabète, l’obésité, les pathologies inflammatoires allergiques, l’endométriose, la dépression, les maladies comme le cancer, les maladies neurodégénératives. Bref ! D’un seul coup, on se dit “C’est bizarre, quoi ! Ça a une action sur tout.” Et c’est aussi ça le problème, car il ne faudrait pas penser que ça guérit tout. Mais cela a une action sur tout. C’est un peu différent.
Lionel Coudron : Effets de la Respiration sur les pathologies Inflammatoires
Rhumatismes inflammatoires et MICI
Muriel : Cette inflammation, au niveau ostéo-articulaire, est-ce que vous pouvez nous en dire un mot ?
Lionel Coudron : La respiration a des effets sur les maladies articulaires également. Typiquement, les pathologies articulaires inflammatoires comme la pelvispondylite rhumatismale ou la polyarthrite chronique évolutive, pour parler des deux plus fréquentes, sont des maladies où le système immunitaire s’emballe. Et là encore, ça ne veut pas dire qu’on va guérir la maladie. Mais on va pouvoir agir sur certains éléments pour réduire l’intensité des douleurs, accompagner également les traitements. Depuis 20 ans, on a de nouveaux traitements qui sont efficaces dans ces pathologies.
Mais on a aussi une action sur les maladies chroniques intestinales inflammatoires, les MICI, qui sont extrêmement pénibles. Le système parasympathique, quand il est renforcé dans son fonctionnement, a alors une action positive.
Arthrose : le rôle de la mobilité et de la pratique posturale
Muriel : Alors là vous parlez de pathologies inflammatoires lourdes, je pense qu’on peut les décrire comme ça, pas forcément très courantes. Sur des cas plus communs comme l’arthrose, des douleurs arthrosiques par exemple, que pouvez-vous dire de l’effet de la respiration ?
Lionel Coudron : L’arthrose est une maladie qui n’est pas considérée comme une maladie rhumatismale inflammatoire. Elle est mécanique. En revanche, il peut y avoir des poussées inflammatoires lorsqu’il va y avoir un surmenage, une activité, momentanément. Donc là, on va changer un petit peu de registre : ce sera plus la mobilité qui sera importante.
C’est vraiment l’intérêt de la respiration, qui est omniprésente dans la pratique posturale, et qui va accompagner les postures et les enchaînements. C’est à ce titre que la pratique du yoga va être très bénéfique. Mais pour le coup, il faut vraiment bouger, il faut avoir une activité de mobilisation articulaire car ça a un effet antalgique majeur. Encore, si ce n’était pas le cas il y a 40 ans, depuis 20 ans maintenant, je pense que les médecins passent systématiquement la consigne ‘‘Il faut bouger quand on a des douleurs, et surtout pas ne rien faire”, parce que là les raideurs s’installent, et c’est le pire.
Quelle forme de yoga pratiquer en cas d’arthrose ?
Muriel : Et du coup ça soulève une question : en cas d’arthrose, est-ce que les formes de yoga plus statiques, comme le Hatha yoga par exemple, sont aussi intéressantes qu’une forme de yoga plus dynamique, contrôlé ?
Lionel Coudron : Je vais peut-être un peu vous choquer certainement, mais pour moi, tout ça c’est du Hatha yoga. Je suis de la vieille école où le Hatha yoga est le yoga qui implique le corps et les postures. A côté du Hatha yoga, on distingue : le laya yoga, le karma yoga, le bhakti yoga, le jnana yoga. Mais, on va prendre les codes actuels. Dans le Hatha yoga (qui serait peut-être plus lent, c’est sûr, que si on regarde un yoga comme l’Ashtanga yoga), ce n’est pas l’immobilité qui risque d’être problématique. Vous avez tout à fait la possibilité de rester dans une posture en détente, mais il faudra faire des compensations. Il va falloir faire en sorte que l’articulation ne fonctionne pas toujours dans le même sens.
Intérêt d’une pratique équilibrée pour préserver les articulations
Donc, si vous faites des postures de Yoga mudra : pince, demi-pince, charrue prolongée, posture assis penché en avant (c’est ce que j’appelle Yoga mudra), que vous tenez 10/15 minutes, ce n’est pas en soi problématique, si vous les inscrivez dans une séance qui va rééquilibrer et dans laquelle vous ne ferez pas que ça. Le problème, c’est quand on ne fait qu’une seule chose, ou plutôt c’est de ne pas faire les autres. Or c’est ça qu’il faut, faire en sorte que tout soit mobilisé pour que l’ensemble du cartilage soit bien lubrifié. C’est ça qui va permettre cet entretien et qui a un effet antalgique.
Vous voyez, c’est connu depuis toujours, les sportifs peuvent avoir une arthrose bien plus importante que la population générale. Mais, ils n’en souffrent pas : vous seriez au fond de votre lit, et eux sur le terrain en train de taper de toutes leurs forces dans le ballon. Et ça passe très bien. Donc, il y a vraiment cette notion de mobilisation. Et à l’inverse, dès que ces mêmes sportifs vont arrêter de faire de l’activité physique, au bout de quelque temps, ils vont être perclus de douleurs.
Lionel Coudron : la respiration est naturellement nasale
Muriel : Allez ! Attaquons précisément les questions sur la respiration. Je tiens à préciser que ces questions, ce n’est pas moi qui y ai réfléchi. J’ai demandé à mon audience de professeurs de yoga de me poser des questions, et comme je disais en introduction, j’en ai eu 93. Donc vraiment, je vous remercie ! Ça m’a fait extrêmement plaisir de voir que vous étiez aussi motivés et investis sur cette thématique. Alors, première question : faut-il inspirer par le nez ? Qu’est-ce que cela amène ? Pourquoi est-ce que c’est recommandé ? Et moi je trouve que la question s’entend plus ainsi : pourquoi expire-t-on par le nez en yoga? En tant que kinésithérapeute, c’est ça qui me surprend dans le yoga.
Pourquoi respire-t-on par le nez en yoga ?
Lionel Coudron : Mais moi ce qui ce qui m’étonne, c’est qu’on pose cette question. Pourquoi voudriez-vous respirer par la bouche ? C’est moi qui vais vous poser la question : pourquoi respirerions-nous par la bouche ? Il y a un nez, qui est un conduit olfactif, c’est sûr, mais qui réchauffe l’air, qui filtre l’air, qui amène l’air dans le rhinopharynx et qui le conduit aux bronches. Pourquoi respirerions-nous par la bouche ? Alors oui, on a besoin d’expirer par la bouche pour parler. Mais pour respirer, quand vous êtes en situation normale, vous ne respirez pas par la bouche. Donc, respirer par la bouche, c’est quelque chose qui n’est pas naturel ou qu’on va faire quand on a besoin d’augmenter le débit dans des conditions importantes.
Et la plupart du temps en yoga, on va respirer avec un débit ralenti. On n’augmente pas, sauf spécificité où on va d’ailleurs indiquer qu’on respire par la bouche. Mais sinon, la grande majorité du temps, on respire avec un débit ralenti, que ce soit dans Ujjayi, que ce soit dans Eka Nadi Shodhana Pranayama, que ce soit dans Surya Bhedana ; on respire par le nez lentement, calmement. Déjà, je dirais que pour des raisons physiologiques, il n’y a pas de raison de respirer par la bouche ; il y a plutôt des raisons de respirer par le nez. Sauf si on veut augmenter le débit, et de ce fait, c’est sûr que si le tuyau est plus large, on va expirer plus rapidement. Mais encore qu’on peut, à des débits importants, respirer par le nez.
Coloration lunaire et solaire de la respiration nasale
Lionel Coudron : Et alors, à côté de cette application que moi je vois comme physiologique, il y a une explication plus yoguique. Il s’agit de la notion de la coloration du souffle et de dualité du souffle : un côté solaire, un côté lunaire. Et il y a donc une narine qui apporte une certaine polarité de l’énergie, et l’autre qui apporte une autre polarité de l’énergie. De ce fait, on a besoin de ces deux, d’Ida et Pingala, d’une coloration solaire qui est le Ha, et d’une coloration lunaire qui est le Tha.
Vous savez que le Hatha yoga est le yoga des deux énergies complémentaires, opposées, un petit peu comme le Yin et Yang, c’est exactement cette même notion. Et bien, le Hatha yoga est le yoga qui équilibre les énergies. Donc on considère, dans le Hatha yoga, et dans le yoga, qu’il y a une polarisation par les narines.
La respiration nasale alternée
Lionel Coudron : Si on regarde bien, il y a des études qui ont été faites il y a maintenant une centaine d’années, qui ont montré qu’il y avait une polarisation de la respiration. Il y a ce qu’on appelle une respiration alternée physiologique. Le cycle serait d’à peu près toutes les 2 heures avec une prédominance de la respiration par la narine gauche, puis une prédominance par la narine droite. Donc elle ne serait pas équivalente, il y aurait des variations.
Puis après, si on continue, on peut se dire qu’au niveau des narines, il y a une muqueuse qui vient détecter non seulement l’olfaction, les parfums, mais qui vient se répercuter directement au centre du cerveau. Et je vous le donne en mille : comment appelle-t-on le cerveau des émotions ? On l’appelle aussi rhinencéphale, “rhinen” comme rhinocéros, c’est-à-dire “celui qui a un grand nez”, et bien sûr comme oto-rhino-laryngologue (ORL), le médecin spécialiste qui s’occupe du nez.
Donc, on a un cerveau qui est en rapport avec le nez. L’olfaction va directement vers les émotions. On sait tous qu’une odeur, qu’un parfum, peut ramener des souvenirs, des émotions. La madeleine de Proust est connue de tous. Ce n’est pas uniquement que ça va remémorer des souvenirs ou des émotions, mais c’est aussi que ça va les brasser. S’il y a des questions, là, on pourra peut-être développer Eka Nadi Shodhana Pranayama, la respiration alternée par le nez.
Référence sur les cycles nasaux transmise par Lionel Coudron
Muriel : Il y a des questions, vous faites bien de le dire. D’abord, il y a une participante qui demande s’il y a une référence de cette étude qui parle de la polarisation de la respiration.
Lionel Coudron : Oui ! Il y a une référence, la voici :
Traduction du site https://en.wikipedia.org/wiki/Nasal_cycle dans lequel vous retrouverez la bibliographie :
Le cycle nasal est l’alternance inconsciente[1][2]d’une congestion et d’une décongestion partielles des fosses nasales chez l’homme et d’autres animaux. Cela se traduit par un débit d’air plus important dans une narine avec une alternance périodique entre les narines. Il s’agit d’une congestion physiologique des conques nasales, également appelées turbines nasales (projections osseuses enroulées à l’intérieur des cavités nasales), due à l’activation sélective d’une moitié du système nerveux autonome par l’hypothalamus. Elle ne doit pas être confondue avec une congestion nasale pathologique.Dans la littérature occidentale moderne, elle a été décrite pour la première fois par le médecin allemand Richard Kayser en 1895[3].En 1927, Heetderks[4] a décrit la turgescence alternée des cornets inférieurs chez 80 % d’une population normale. Selon Heetderks, ce cycle est le résultat d’une alternance de congestion et de décongestion des cornets nasaux ou des cornets, principalement des cornets inférieurs, qui sont de loin les plus grands des cornets dans chaque fosse nasale. Les cornets sont des saillies osseuses recouvertes de tissu érectile, un peu comme les tissus du pénis et du clitoris. Les cornets d’une fosse se remplissent de sang tandis que les cornets opposés se décongestionnent en évacuant le sang. Ce cycle, qui est contrôlé par le système nerveux autonome, a une durée moyenne de deux heures et demie, mais varie considérablement en fonction de l’âge, de la position du corps et d’autres conditions[5].
Il a également observé et documenté que les cornets de la fosse nasale dépendante se remplissent lorsque le patient est allongé. Le cycle nasal est une alternance dans le temps et entre les côtés gauche et droit, la résistance totale dans le nez restant constante. Le flux d’air asymétrique peut avoir un effet bénéfique sur la sensibilité olfactive globale[6]. Chez les patients présentant une déviation septale fixe et une obstruction nasale intermittente, l’interaction du cycle nasal devient évidente ; la sensation d’obstruction reflète souvent la phase de congestion[6].
Il est possible que le cycle nasal exacerbe la congestion nasale causée par le rhume, car le manque de mobilité des cils dans une moitié du nez peut entraîner une sensation désagréable d’incapacité à déplacer le mucus en se mouchant.Bénéfices pour la respirationIl a été démontré que les cils du côté congestionné suspendent leur mobilité jusqu’à ce que ce côté se décongestionne. Ainsi, le cycle garantit qu’un côté du nez est toujours humide, pour faciliter l’humidification, qui est l’une des trois fonctions du nez, les deux autres étant la filtration et le réchauffement de l’air inspiré avant qu’il ne pénètre dans les poumons[6].
Avantages pour l’olfaction : certaines substances chimiques odorantes se lient facilement aux récepteurs olfactifs, même dans des conditions de débit d’air élevé, tandis que d’autres odeurs ont besoin de plus de temps, dans des conditions de faible débit d’air, pour se lier aux récepteurs. Avec un débit d’air élevé d’un côté et faible de l’autre, le centre olfactif détecte une plus grande variété d’odeurs[7][8][9].Nous n’avons pas l’habitude de respirer aussi en utilisant les deux narines. À un moment donné, une narine est plus ouvert et a le plus grand débit d’air. Le cycle a une périodicité de 4 heures en moyenne, mais il est très variable. Elle est présente dans 85% des humains. Il est susceptible de se trouver chez tous les mammifères. Il peut être affecté par la position, les allergies et les infections respiratoires supérieures. Le cycle nasal est liée au rythme de l’alternance cérébrale ultradien activité hémisphérique.
Références :
[1]Josephson, J. S. (2006). Sinus Relief Now: The Ground-Breaking 5-Step Program for Sinus, Allergy, And Asthma Sufferers. Penguin Group. pp. 15. ISBN 978-0-39953-298-6. [2] Huizing, E. H.; de Groot, J. A. M. (2003). Functional Reconstructive Nasal Surgery. Thieme. p. 52. ISBN 978-1-58890-081-4. [3] Kayser, Richard (1895). « Die exakte Messung der Luftdurchgängigkeit der Nase ». Arch. Laryng. Rhinol. (Berl.) (in German). 8: 101. [4]Cummings: Otolaryngology: Head & Neck Surgery, 4th ed [5] Kahana-Zweig, Roni; Geva-Sagiv, Maya; Weissbrod, Aharon; Secundo, Lavi; Soroker, Nachum; Sobel, Noam (2016-10-06). « Measuring and Characterizing the Human Nasal Cycle ». PLOS ONE. 11 (10): e0162918. Bibcode:2016PLoSO..1162918K. doi:10.1371/journal.pone.0162918. ISSN 1932-6203. PMC 5053491. PMID 27711189.[6]Thomas Hummel; Antje Welge-Lüssen (1 January 2006), Taste and Smell: An Update, Karger Medical and Scientific Publishers, pp. 12–, ISBN 978-3-8055-8123-3 [7] Sobel, Noam; Khan, Rehan M.; Saltman, Amnon; Sullivan, Edith V.; Gabrieli, John D. E. (1999-11-04). « Olfaction: The world smells different to each nostril ». Nature. 402 (6757). Macmillan Magazines Ltd.: 35. Bibcode:1999Natur.402…35S. doi:10.1038/46944. ISSN 0028-0836. PMID 10573415. S2CID 4416272. [8]O’Toole, Kathleen (1999-11-10). « Smelling roses: Your nostrils may part ways ». Retrieved 2015-06-26. [9]Kruszelnicki, Karl (2000-11-01). « Nostrils smell differently 1 ». Australian Broadcasting Corporation. Retrieved 2015-06-26.
Science et symbolique autour de la respiration yoguique
Les nadis correspondent-ils à une réalité scientifique ?
Muriel : Maintenant qu’on a prouvé qu’on respirait par cycle par narine, est-ce qu’il y a un lien scientifique qui peut être fait avec les fameux nadis ?
Lionel Coudron : Alors, je vais vous donner mon sentiment. Pour moi, les nadis ont une explication plutôt symbolique qui ne correspond pas directement, aujourd’hui, à des trajets précis. Je vous donne un peu mon expérience en tant qu’acuponcteur. Après ce périple qu’on a expliqué au début, je me suis aussi engagé dans l’acuponcture. Donc je suis devenu enseignant d’acupuncture, et j’ai enseigné également aux acupuncteurs à l’Académie médicale d’acupuncture. Je connais bien la notion des méridiens. J’ai même été avec la personne qui a découvert les points d’acuponcture en 1984, même si cette découverte s’est avérée malheureusement fausse. Cette étude était une erreur, il y avait des artefacts. Donc aujourd’hui, il n’y a aucune preuve scientifique de l’existence des méridiens et des nadis.

Notions de nadis et de prana selon Lionel Coudron
Lionel Coudron : Mais ce n’est que mieux ! Ça ne veut pas dire que ça ne correspond à rien. Ça correspond à la notion du prana et donc du pranayama et à cette partie fondamentale du yoga, des 8 parties du yoga, des 8 étapes du yoga. Ces nadis sont en fin de compte des espèces de forces dans notre corps. Vous avez sûrement remarqué que quand vous êtes en colère, dans votre corps, vous ne ressentez pas la même chose que quand vous avez peur, que quand vous êtes triste, que quand vous êtes joyeux. Ça correspond à des sensations dans le corps. Ces nadis représentent ce qui se passe dans notre corps, mais expliqué sous forme symbolique ou d’image. En effet, à l’époque, il n’y avait pas les moyens de mesurer telle ou telle chose.
Donc, ces nadis ne sont que l’expression de l’intuition et de l’expérience que chacun fait dans son corps. Et ce prana, on l’expérimente très bien dans le corps. On peut très bien ressentir le prana. Ce n’est pas imaginaire, c’est très facile à sentir. Le prana, ça bouge, ça circule. Quand vous avez un nœud à la gorge, c’est que le prana est bloqué. De même quand vous avez une oppression thoracique. Le prana est un terme pour définir ce que l’on ressent dans le corps. Donc, il n’y a pas véritablement de démonstration de l’existence de nadis à proprement parler, mais on va considérer que c’est un moyen très pratique pour parler de ce qu’on ressent dans le corps et de ce qui se passe dans notre corps.
Relation des Nadis avec les fascias
Muriel : Monica nous demande si du coup le trajet des Nadis a un rapport avec le trajet des fascias ?
Lionel Coudron : Oui, vraisemblablement, parce qu’on voit bien, si vous voulez, qu’il y a des chaînes musculaires, qu’il y a des synergies de fonctionnement. Les muscles ne sont pas isolés les uns des autres. Et bien souvent, on va déclencher une réaction d’un groupe de muscles. Donc oui ! Je pense que c’est en rapport avec les fascias qui, eux aussi, vont relayer des ensembles qui appartiennent à une même dynamique.
But de la respiration alternée et conséquences
Muriel : Nelly nous demande si on sait pourquoi on change de narine comme ça? Est-ce qu’on sait pourquoi on respire un coup par le côté droit, un coup par le côté gauche ? Et il y avait une autre question d’un élève qui disait : ‘‘Du coup si j’ai une déviation de la cloison nasale et que je ne peux respirer que par la narine droite, est-ce qu’il y a une incidence ?’’
Lionel Coudron : Ce n’est pas exclu qu’il puisse y avoir une incidence. Quelques études ont montré aussi qu’il pouvait y avoir des répercussions sur le fait qu’on ne respire qu’avec une narine ou une autre. Pourquoi est-ce qu’on respire à gauche puis à droite ? On ne connaît pas la finalité. En revanche, on sait que c’est coordonné par le système neurovégétatif dont on parlait tout à l’heure. Et que ça va mettre en route une vasoconstriction ou une vasodilatation. Quand il y a une vasodilatation des vaisseaux au niveau de la muqueuse, elle gonfle, et donc on respire moins. Il y a un débit qui est moindre. Et quand il y a une vasoconstriction, le débit est plus important et on respire plus. Et comme ça s’alterne, cela entraîne le fait de ne pas respirer avec le même débit à droite et à gauche.
La respiration alternée est-elle en lien avec le poumon gauche et droit ?
Muriel : Je me demandais si cela avait un lien avec le fait de respirer plus par le poumon droit ou le poumon gauche.
Lionel Coudron : Alors non ! Là en revanche, je pense qu’il n’y a pas d’effet. Mais peut-être qu’il y en a un et que je ne le connais pas. Parce que le système parasympathique, lui par exemple, n’a pas d’effet sur la fréquence respiratoire, ni sur l’amplitude respiratoire. Ce qui définit la fréquence et l’amplitude, ce sont des nerfs du système volontaire (bien qu’il ne soit pas volontaire). Ils sont commandés par le tronc cérébral en automatique. Donc, le système neurovégétatif ne s’occupe pas de la fréquence et de l’amplitude. Or, pour le cœur, le système neurovégétatif s’en occupe, à la fois de la fréquence et de la force.
Par contre, le parasympathique a une action sur la dilatation des bronches. Le parasympathique va vasoconstricter les bronches, et le sympathique va les vasodilater. On comprend bien que quand il y a un stress (système sympathique activé), qu’on a besoin de courir, qu’on a besoin de plus d’oxygène, qu’on a besoin de plus de sang qui circule, qu’on a besoin de plus ventiler, du coup, il faut que le débit soit plus grand. On va par conséquent vasodilater avec le sympathique et vasoconstricter avec le parasympathique. Quand on se repose, on en a moins besoin.
Donc, je n’ai pas connaissance d’un impact sur les poumons droit et gauche pour le débit, mais on peut très bien imaginer qu’il y ait une stimulation plus importante, neurovégétative, d’un côté ou de l’autre. On peut l’imaginer, mais je ne peux pas vous le certifier. C’est parce que vous me posez cette question que je réfléchis. Je me dis que ça pourrait être possible.
Stopper les migraines ophtalmiques par l’hyperventilation
Relation entre respiration et migraines vraies
Muriel : Alors Nelly nous demande : est-ce que ça peut déclencher des migraines ophtalmiques, avec du coup vasodilatation, si par exemple, on avait une seule narine bloquée?
Lionel Coudron : Alors ça ! Vous voyez, tout à l’heure, vous m’avez posé la question sur quoi la respiration agit. Je vous ai dit “ça agit sur tout, ça ne veut pas dire que ça guérit tout.” Mais les migraines ophtalmiques, c’est génial ! La vasodilatation et le fait de respirer par une narine droite ou gauche, non. En revanche, vous avez raison, il y a une théorie à laquelle je donne crédit. Ce sont les travaux du Dr Jean-Pierre Chaudot qui mettent directement en rapport la genèse des migraines avec une hypoventilation, une réduction de la ventilation et une augmentation du taux de CO2 dans le sang.
Hypoventilation et déclenchement des migraines
Mais il s’agit des migraines vraies : la migraine ophtalmique, comme vous venez de le dire, les migraines avec la moitié du crâne qui est douloureuse, où ça tape, ça pulse, où on se met dans le noir, où on ne supporte plus rien. Vraiment le marteau-piqueur dans la tête. Certaines personnes, sensibles à l’augmentation du taux de CO2, vont déclencher une migraine. Ce qui fait que, bien souvent, les personnes qui ont une appréhension de la migraine (parce que celle-ci se déclenche souvent dans les mêmes circonstances pour une personne donnée), vont réduire leur respiration. Ainsi, elles augmentent le taux de CO2 et elles déclenchent une migraine.
Donc, ce n’est pas lié à la dilatation narinaire (encore que, si les deux se bouchent, on va moins respirer et le taux de CO2 va monter), mais c’est plus lié à une réduction de la fréquence. On peut aussi le voir quand il y a des odeurs fortes. Certaines personnes disent : ‘‘Les odeurs me déclenchent des migraines’’. Eh bien, c’est peut-être aussi parce qu’elles réduisent leur respiration, puisque c’est désagréable pour elles. Du coup, le taux de CO2 monte. C’est un petit peu ce qui se passe quand on est en altitude et qu’on déclenche des douleurs céphaliques, des migraines similaires aux crises de migraine.
La bonne nouvelle, c’est que si la respiration peut faire quelque chose dans un sens, elle peut le défaire dans l’autre. Donc, qu’est-ce qu’on fait ? Une hyperventilation. Quand vous avez un début de migraine vraie, je ne parle pas des céphalées de tension, vous faites une hyperventilation, et votre migraine stoppe et avorte tout de suite.
Comment hyperventiler en cas de migraine ?
Muriel : Qu’est-ce que vous conseilleriez pour hyperventiler, quel pranayama classique ?
Lionel Coudron : Vous avez Bhastrika, Kapalabhati. Puis on peut les aménager en fonction des patients ou des élèves, parce qu’il faut qu’ils arrivent à pouvoir hyperventiler dans de bonnes conditions. Après, vous avez plein de méthodes d’hyperventilation, mais les codifiées en yoga sont Bhastrika et Kapalabhati.
Muriel : Très bien ! Ce n’est pas le premier truc qu’on a envie de faire effectivement en cas de migraine.
Lionel Coudron : Non ! C’est contre-intuitif parce qu’en plus, on a mal. Hyperventiler, ça demande un effort. Donc il faut s’y prendre tout de suite, dès les premiers symptômes, sinon c’est trop tard.
Approche globale de la respiration selon Lionel Coudron
Muriel : Alors après, j’ai eu plein de questions sur la physiologie respiratoire : est-ce que déjà, on est égaux face à la respiration ? Ou bien est-ce qu’il y a des gens qui ont plus d’aptitude respiratoire que d’autres ? Est-ce qu’il y a une bonne respiration et une mauvaise manière de respirer ? Est-ce qu’on peut modifier sa respiration au repos ? Par exemple, si j’estime que je respire mal, est-ce que je peux avoir une influence sur ma respiration de manière inconsciente ?
Lionel Coudron : On sait que ‘‘Chassez le naturel, il revient au galop’’. Donc, on ne va pas nécessairement “s’obliger à bien respirer”. En revanche, on va donner à notre corps les possibilités de bien respirer. Et c’est là que l’on voit la cohérence du yoga, qui va nous proposer des postures et pas seulement de respirer. Parce que pour bien respirer, et pour faire du pranayama, il faut en avoir les possibilités. Moi, je distinguerais déjà différentes dimensions à la respiration.
Les trois dimensions de la respiration selon Lionel Coudron
Lionel Coudron : Il y a la respiration avec sa dimension vraiment symbolique, spirituelle, qui est fondamentale. La notion de souffle vital, ce souffle que l’on a à la naissance, que l’on rend au moment de notre mort. Ce souffle qui nous accompagne tout au long de notre vie et qui est un lien universel. Donc il y a déjà cette dimension très symbolique, très forte, du souffle qui nous relie ; c’est le lien.
Puis, vous avez la dimension plus émotionnelle de ce souffle dans notre corps et sa dimension sur notre état. C’est corrélé aussi à l’aspect spirituel, mais c’est encore un petit peu différent. C’est cette dimension qui fait qu’en respirant plus calmement, profondément, en ayant un souffle fluide, je répercute ça sur mes muscles, mon mental, et je suis plus détendu, j’ai une meilleure posture. Donc, vous voyez que ce souffle a encore un niveau intermédiaire.
Puis il y a une dimension, la ventilation, qui est tout simplement le fait de pouvoir bien évacuer les gaz qui sont dans le corps et récupérer des gaz dont on a besoin pour faire la véritable respiration, qui se trouve au cœur de la cellule, au niveau de la mitochondrie même. Effectivement, c’est là qu’il y a la véritable respiration en physiologie. Donc, la ventilation est un soufflet qui doit s’ouvrir et se fermer, mais faut-il encore qu’il en ait les possibilités.
L’importance de la posture dans la respiration
Lionel Coudron : Si j’ai des rétractions antérieures au niveau de mes épaules et que je suis enroulé en avant, je ne suis pas dans la position optimale. Donc, je pourrais m’évertuer à faire des respirations abdominales, c’est bien, mais ça ne va pas nécessairement être ce qu’il y a de mieux. Il faut que je donne à mon corps la possibilité d’être dans des positions adéquates.
Du coup, je vais faire des exercices, en yoga, qui vont me permettre de m’entraîner pour avoir une souplesse et qui permettent à mon corps d’être redressé. Pour faire simple : rectitude de la colonne vertébrale avec respect des courbures. Du coup, vous avez un mât auquel s’accrochent des côtes. Comprenez que si vous êtes vouté et que vous avez une cyphose dorsale, ça vient compliquer. Il y a toute une préparation et, on va dire, une phase de rééducation respiratoire dans le yoga, avec des postures qui vont vous amener ça. Donc ces côtes vont pouvoir s’ouvrir, c’est bien.
Mais la deuxième chose, qui n’est absolument pas négligeable, et qui est peut-être même encore plus importante, c’est que si vous respirez, vous inspirez, donc vous ouvrez, mais vous fermez aussi. C’est bien aussi de pouvoir vider au maximum !
Optimiser sa capacité respiratoire grâce à une expiration efficace
Il ne faut pas oublier qu’on a une réserve inspiratoire. C’est-à-dire que même quand on expire, dans la vie courante, il nous reste 1 litre/1,5 litre dans les poumons. Si vous faites des postures comme balasana, malasana, yoga mudra, des postures en fermeture, qu’est-ce qui se passe ? Vos articulations costales vont pouvoir se replier, encore mieux. Vous fermez l’éventail, vous chassez l’air du ventre, vous comprimez.
Ce n’est pas moi qui l’invente, ce sont les apnéistes. Stéphane Mifsud, 5 fois champion du monde d’apnée, 11 minutes sans respirer sous l’eau, a une capacité respiratoire de 11 L ! Ce n’est pas le fruit du hasard ! Certes, il était peut-être un peu doué, mais nous, on a une capacité respiratoire de 5 L. Donc, comment il l’obtient ? Parce qu’il peut se vider plus, et qu’il peut s’ouvrir plus.
Ce que vous faites avec vos postures de yoga, c’est donner les possibilités à votre système respiratoire de bien fonctionner. Il faut, pour ça, ne pas être le ventre écrasé, mais aussi pouvoir vider et expirer. Donc, on voit là l’intérêt de cette cohérence. Ce n’est pas juste un type de posture, c’est l’ensemble. Et vous avez de très bons exercices respiratoires pour le faire, ne serait-ce que la salutation au soleil : ouverture, fermeture, inspire, expire, c’est la base. Mais aussi la respiration complète qu’on voit dans le yoga de l’énergie, toute la lignée Roger Clerc, Lucien Ferrer, avec cette respiration sur laquelle on va ouvrir les bras vers le ciel, où on expire en malasana accroupi, les bras à l’intérieur. Et ça, c’est formidable, avec les trois niveaux : abdominal, thoracique et claviculaire.
Dans quel sens faire la respiration complète?
Muriel : Alors, je suis obligée d’enchaîner sur cette question-là : « suivant les lignées, on nous dit que l’inspiration se fait de bas en haut ou de haut en bas, avec à chaque fois des justifications précises qui semblent imparables. Quelle est la bonne manière de faire une respiration complète ? »
Lionel Coudron : Souvent, il faut faire une meilleure définition de ce dont on parle. Dans la respiration, on parle de quoi ? On parle de l’enveloppe, du corps, ou on parle de l’air ? La question que vous me posez là, je me la suis posée quand j’étais étudiant en 2ᵉ année de médecine. Je suis allé au laboratoire de physiologie respiratoire parce que je voulais avoir la clé comme vous. Puis j’ai posé la question à la femme qui était là.

Elle m’a donné des explications : on inspire, le moteur principal de la respiration est le diaphragme, et il y a un double temps dans la respiration. D’abord, il s’abaisse, puis il y a un appui, les côtes se lèvent. C’est donc diaphragme et côtes, et éventuellement, si on est dans une urgence, une respiration plus haute, voire les narines qui vont être mobilisées. On en conclut que c’est de bas en haut, c’est clair.
Mais si on se concentre sur l’air : il ne rentre pas de bas en haut, il rentre de haut en bas. Donc, selon l’école qui va être Desikachar, Roger Clerc ou Nil Hahoutoff, vous allez porter le projecteur, l’attention, plutôt sur le contenant ou sur le contenu. Et la respiration, évidemment, va changer de sens, être est diamétralement opposée.
Qu’est-ce qui initie la respiration : le diaphragme ou les poumons ?
Lionel Coudron : Au bout du compte, ce qui est important, c’est de respirer ! Et de donner les capacités, les moyens, à votre corps de respirer. Physiologiquement, quand l’impulsion nerveuse part du bulbe rachidien et du tronc cérébral (parce qu’il y a plusieurs étages dans la commande respiratoire et on reviendra sûrement sur une notion qui est fondamentale dans la respiration) pour stimuler la respiration, à un niveau normal, c’est le diaphragme qui se contracte. C’est le moteur principal, un muscle extrêmement puissant, qui, en s’abaissant, fait ventouse et permet la dépression dans les poumons, qui elle-même permet à l’air de rentrer. Et là, l’air rentre de haut en bas.
Muriel : C’était une autre question qu’on vous avait aussi posée : dans quel sens ça marchait. Est-ce que c’était le diaphragme en premier ou les poumons en premier ? Donc, effectivement, le diaphragme en premier.
Que penser de Jala Neti ou Sutra Neti pour nettoyer ses narines?
Muriel : Déjà, une petite question sur les narines, sur les Kriyas, je suppose. Est-ce une bonne piste de nettoyer ses narines en pratiquant Jala Neti et Sutra Neti ?
Lionel Coudron : C’est traditionnel, c’est vraiment classique. Particulièrement en Inde. Dans beaucoup de centres, on le fait systématiquement. Donc, Jala Neti, c’est le nettoyage par l’eau et Sutra Neti, c’est le nettoyage avec le fil. On retrouve Yoga Sutra, le fil du yoga, la notion d’un texte qui va nous expliquer le yoga à travers le fil des mots. Personnellement, je ne le pratique pas. Je l’ai pratiqué longtemps, quotidiennement, mais je ne le pratique plus.
Néanmoins, c’est vrai que ça peut être intéressant. Je ne le déconseille pas. Je pense que c’est même conseillé dans un certain nombre d’allergies. Il faut respecter les consignes qui sont données. Il faut normalement bouillir l’eau au préalable, mais voilà, sans plus. Mais effectivement, vous savez que c’est très utilisé en médecine à travers le Physiomer, le Sterimar, les liquides osmotiques qui sont équivalents au sang. C’est intéressant si jamais vous êtes encombré, vous voulez nettoyer votre nez. Est-ce que tous les jours, c’est utile ? Je ne pense pas, je n’ai pas d’étude sur l’utilisation régulière de ces produits. En tout cas, je ne pense pas que cela a d’effet négatif.
Muriel : enchaînons avec le diaphragme. Parce que le diaphragme, j’en témoigne ici, ça a été un cauchemar pour moi, à apprendre au niveau anatomique. Je pense que la physiologie du diaphragme, la mécanique ventilatoire, est très difficile à comprendre, d’abord, et puis à ressentir également !
Comprendre le diaphragme avec Lionel Coudron
Pourquoi ne sent-on pas son diaphragme ?
Muriel : Et au sujet du diaphragme, est-ce que vous voulez sortir un petit peu du rôle mécanique du diaphragme ? Ou rappeler un peu le rôle mécanique du diaphragme, et nous expliquer pourquoi c’est aussi dur de sentir cette pompe descendante ?
Lionel Coudron : Alors, pourquoi est-ce que c’est dur de le sentir ? Parce que je ne pense pas qu’il y ait une innervation consciente du diaphragme. C’est pour ça que c’est difficile, c’est ce que vous dites. C’est plus facile de comprendre le fonctionnement du biceps, parce qu’on le voit, ou encore du quadriceps. Déjà, les ischio-jambiers, c’est un peu plus compliqué, et le carré des lombes, encore plus. Donc pour le diaphragme, c’est normal. Même les muscles du périnée, c’est pareil, c’est difficile. Ils ne sont pas visibles, mais le diaphragme encore moins. D’autant plus qu’il est accompagné par d’autres muscles qui sont respiratoires accessoires.

Conseils pour améliorer son ressenti du diaphragme
Lionel Coudron : Le diaphragme, comment pourrait-on faire pour mieux le sentir ? Pour moi, c’est une telle évidence que c’en est difficile. D’abord, il faut que vous ressentiez la région lombaire. Quand vous avez votre région lombaire, vous savez qu’à ce niveau, vous allez avoir un arrimage à l’arrière, des cordes qui vont ancrer le diaphragme. À partir de là, le diaphragme va se projeter en avant jusque sous les côtes, comme une espèce de forme arrondie vers le haut. Donc c’est une coupole, qui est entre les côtes en avant, qui suit toutes les côtes, et qui vient se terminer sur les vertèbres L3. C’est quelque chose qui est arrondi en avant, et qui vient se réduire vers l’arrière. Et cette coupole va descendre et monter, descendre et monter. Un muscle, quand il est comme ça (Dr Coudron montre un dôme avec ses 2 mains) , pour qu’il s’abaisse, il faut qu’il se contracte.
Quand je me contracte, je rapproche mes extrémités. Quand je rapproche mes extrémités, évidemment, j’ai moins de distance entre les deux points. Si je me relâche, les points vont s’éloigner les uns des autres. Donc, cette coupole diaphragmatique, se situe un petit peu plus haut que le sternum, à peu près 2 cm, et puis au niveau lombaire, c’est vers L3 (3ème vertèbre lombaire). Donc, vous voyez, c’est assez bas. Il y a une différence d’à peu près 7 cm quand même entre le haut et le bas. Ce diaphragme va donc faire ce mouvement, monter et descendre. Si vous ne le sentez pas, c’est normal. C’est juste qu’il va falloir arriver à l’imaginer en trois dimensions et à le visualiser. Mais le sentir, sauf si vous êtes blessé et que c’est douloureux, vous ne le sentirez pas. C’est comme vos os, vous ne les sentez pas, sauf s’ils sont blessés.
L’éternuement et la toux
Muriel : Est-ce que le diaphragme a d’autres rôles que la respiration ? Est-ce qu’il intervient dans d’autres fonctions ?
Lionel Coudron : Oui ! D’abord avec l’air. La toux par exemple : quand vous toussez, quand vous avez le hoquet, c’est le diaphragme qui en est responsable. Un éternuement aussi. Petite parenthèse : quand vous éternuez, la vitesse de l’air qui est projeté est de 700 km/h. Vous voyez la puissance de ce diaphragme.
NB : après vérification cette vitesse est plutôt de l’ordre de 16 à 50 km/h.
Le hoquet
Muriel : Il y a une question sur le hoquet aussi, voulez-vous développer ? On m’a demandé ce qu’était précisément le hoquet.
Lionel Coudron : Le hoquet, c’est une stimulation du diaphragme qui se contracte de façon irrégulière ou régulière. Donc, quand il va s’abaisser, il va y avoir un phénomène avec une inspiration brutale, la glotte qui se ferme.
Le rôle du diaphragme dans la mobilité lombaire
Lionel Coudron : Le diaphragme s’insère par ses piliers sur les vertèbres lombaires L2 à L4. Cela veut dire que, le diaphragme entraîne et vient tirer un petit peu sur L2, L3 à chaque respiration. Donc, ce qu’il faut que vous reteniez, c’est que ça mobilise les lombaires en permanence. Et la respiration diaphragmatique, qu’on peut appeler aussi abdominale en yoga, ou encore basse, est un bon moyen de masser la région lombaire.
Et de ce fait, elle permet de la mobiliser en douceur, de réduire les tensions lombaires, les douleurs lombaires, et d’avoir une action positive aussi au niveau des contractures musculaires lombaires. Le diaphragme a des trous qui lui permettent de faire passer les psoas notamment, qui sont de chaque côté des vertèbres lombaires, et à l’arrière, le carré des lombes. Donc, vous avez des madriers qui sont là. Et ce diaphragme, qui est juste à côté, par ses mouvements, va pouvoir aussi impulser un effet de relaxation locale.

L’action du diaphragme sur le retour veineux
Lionel Coudron : Il y en a encore deux autres rôles du diaphragme dont je vais vous parler, qui sont importants à connaître. Deuxième rôle du diaphragme que tous les médecins connaissent, tous ceux qui font de la phlébologie, c’est un rôle accessoire du retour veineux. Ça permet, à chaque fois que vous inspirez, de créer une décompression thoracique. Bien sûr, c’est parce que vous décompressez le thorax, que l’air rentre dans les poumons qui sont tirés par les côtés. Mais vous faites la même chose au niveau du sang, donc ça facilite le retour veineux.
Je me souviens d’un cardiologue, le Dr Cloarec, chef de service en cardiologie à Tenon dans les années 80, et qui nous parlait du fait qu’il s’était entraîné à cette respiration, qu’il appelait la respiration yoguique, et qu’il l’avait importée à la NASA. Cela permettait aux astronautes, dans l’espace en apesanteur, de faire cette respiration pour réduire l’œdème des membres inférieurs. Donc, en pratiquant cette respiration forcée, avec le diaphragme, cette respiration abdominale, profonde, vous permettez un meilleur retour veineux.
La pandiculation : un exercice fétiche à l’IDYT de Lionel Coudron
Lionel Coudron : Et puis, il y a encore une autre incidence du diaphragme, qui, pour moi, est peut-être la plus importante de toutes. Alors ça, c’est mon exercice fétiche que tous les élèves à l’IDYT connaissent archi par cœur. Au début, ils se demandent de quoi je leur parle, mais c’est fondamental. C’est ce qu’on appelle la pandiculation. Alors ça, je saurais tout de suite s’il y a des élèves de nos promotions qui m’écoutent.
La pandiculation, c’est un exercice respiratoire, mais qui fait aussi intervenir le corps. C’est cet exercice qui s’apparente à l’étirement au saut du lit le matin, c’est l’étirement de votre chat, de votre chien, dans le salon quand vous le voyez qui s’étire. Il s’agit d’Adho Mukha Svanasana, le chien qui s’étire. Et c’est vraiment universel, tous les animaux le font. C’est un réflexe, c’est inné, le bébé le fait. Et ça mobilise la respiration au premier plan.
C’est un étirement : on contracte tous les muscles du corps. Quand on contracte tous les muscles, on prédomine sur les extenseurs postérieurs. On l’a appris en médecine, le tétanos, c’est la tête qui touche, les talons qui touchent. Donc, les muscles postérieurs ont une puissance supérieure aux muscles antérieurs ; il le faut pour tenir debout. Donc tous ces muscles-là, tous les muscles sont contractés, mais néanmoins on est en extension, on cambre la région lombaire.
Le diaphragme est un acteur clé dans la relaxation musculaire
Lionel Coudron : On inspire, puis on retient le souffle, on le retient tant qu’on est bien. C’est la clé : tant qu’on est bien. Et quand vous sentez que vous êtes à ce qu’on appelle le point de rupture, parce qu’à un moment donné, on ne peut plus rester à plein, alors vous allez expirer. Et là, on expire en bâillant, en ouvrant grand la bouche, et en lâchant.
Qu’est-ce qui se passe à ce moment-là ? Le diaphragme se décontracte et induit, par le biais du système nerveux, en général, une détente musculaire de l’ensemble du corps. C’est-à-dire qu’à chaque expiration, quand le diaphragme se relaxe, il envoie une relaxation musculaire partout dans le corps. Donc, le diaphragme a cette action et cette possibilité aussi de pouvoir détendre l’ensemble des autres muscles squelettiques de notre corps. Ce n’est pas rien, c’est vraiment important.
L’effet massant de la respiration diaphragmatique sur l’abdomen
Lionel Coudron : Après, la respiration, on pourrait dire aussi que ça masse l’abdomen, évidemment. La première fois que j’ai fait du yoga à l’hôpital près de patients, c’était en service de gastro-entérologie dans le service du professeur Roger à Kremlin-Bicêtre. Et là, on enseignait le yoga aux patients qui avaient des colopathies fonctionnelles. À l’époque, on appelait ça comme ça. Donc oui, ça masse, ça détend, ça stimule le parasympathique, etc. Voilà pour le diaphragme!
La respiration peut-elle éveiller l’énergie Kundalini selon Lionel Coudron?
Muriel : On vous a posé la question de savoir si des exercices de respiration pouvaient éveiller cette énergie qu’on appelle Kundalini, et ce que vous en pensiez. Comment décrivez-vous ça ?
Lionel Coudron : Alors, oui ! La Kundalini existe vraiment. Il y a beaucoup de personnes, maintenant, qui justement avec les échanges, les réseaux sociaux et autres, ont des témoignages suffisamment probants. Personnellement, j’ai rencontré deux personnes qui ont vraiment fait ces expériences. Donc, ce n’est pas non plus extrêmement fréquent. Et on l’explique, encore une fois (vous allez dire, on le met à toutes les sauces, mais c’est vrai), par des réactions du système neurovégétatif. Quand vous frissonnez, par exemple (et vous pouvez même réussir à déclencher vous-même des frissons), ça part souvent entre les omoplates ces frissons-là. Ce sont ces mêmes phénomènes qui viennent nous détendre, en fait, d’une certaine façon, nous nettoyer un petit peu les tensions.
Ce qui se passe a minima sous forme de frisson entre les omoplates, et puis qui se propage dans le corps, on peut le retrouver dans des manifestations extrêmement puissantes. Celles-ci peuvent être déstabilisantes, évidemment, quand elles sont sous cette forme fulgurante d’une sensation, d’une énergie qui monte. Quand ça survient à l’improviste et que ce n’est pas contrôlé, cela peut effectivement entraîner des réactions déstabilisantes. Je ne connais pas les techniques pour stimuler ça, personnellement. Ce n’est pas ma tasse de thé. Mais pour répondre à votre question, c’est en rapport avec la respiration. Et la respiration, comme vous l’avez bien compris, va stimuler le système neurovégétatif, sympathique et parasympathique. On va balancer d’un côté, puis du coup, ça va revenir de l’autre avec des répercussions qui sont importantes.
Les effets des pranayamas selon Lionel Coudron
Comment enseigner les pranayamas ?
Muriel : Dans le cadre d’un cours de yoga collectif, combien de temps pensez-vous qu’on doive enseigner les pranayamas pour qu’il y ait une efficacité ?
Lionel Coudron : Déjà, pour moi, quand on fait une séance de yoga, on est comme Monsieur Jourdain qui fait de la prose sans le savoir ; on fait du pranayama, inévitablement, on respire. Et vous observerez votre fréquence respiratoire la prochaine fois que vous ferez une séance de yoga, même s’il n’y a pas une part de pranayama. Quand vous respirez normalement, c’est 12/15 respirations par minute. Quand vous faites une salutation de soleil, vous n’êtes plus à 12 par minute ; vous baissez très vite et vous arrivez rapidement à ces fréquences basses qui sont à peu près de 5 par minute. Ce sont celles qu’on retrouve en cohérence cardiaque, qu’on retrouve chez les méditants, qui sont des fréquences auxquelles on est dans un état différent.
Donc, d’entrée de jeu, rien qu’en faisant des postures, vous devez (si vous ne le faites pas, ça se fait de toute façon) porter l’attention sur le souffle et observer que le souffle se modifie. Après, la part des pranayamas à proprement parler, qui vont être Ujjayi et Eka Nadi Shodhana pranayama, c’est très variable selon les pédagogies, les écoles. Je ne saurais pas vous dire ce qui est le mieux. Certaines le privilégient au début de la séance, d’autres à la fin.
Traiter l’anxiété par la respiration et le pranayama
Lionel Coudron : Ce qui est important, au bout du compte, et ce pourquoi vous allez faire du pranayama, c’est d’arriver avec le sentiment que vous pouvez maitriser votre respiration. C’est ça qui est déterminant. C’est qu’à un moment donné, cette respiration, vous devez vous dire : “Je suis capable de la modifier comme je veux. Je peux inspirer lentement, je peux expirer lentement ; je peux retenir le souffle, si je veux, à plein, à vide ; je peux expirer par la narine droite ou la gauche ; je peux respirer plus vite.”
Donc, c’est ça qui va être déterminant. C’est qu’à un moment donné, vous avez un outil sur lequel vous pouvez agir et que vous pouvez moduler à votre guise. Sous-entendu derrière, dans vos croyances profondes “Le souffle ne me fait pas peur. Je n’ai pas peur de manquer d’air, d’être oppressé, ni peur d’être angoissé. Je n’ai pas peur de me dire que je ne peux plus respirer.” Et ça, on le voit vraiment comme un élément fondamental dans toutes les formes d’anxiété.
Utiliser la respiration yogique pour apaiser les attaques de panique
La pire forme d’anxiété, c’est l’attaque de panique. C’est l’anxiété puissance 10 où on a l’impression qu’on va mourir, devenir fou, qu’on a une crise cardiaque. Et comment s’apprivoise cette crise qui est liée à ce qu’on appelle un syndrome d’hyperventilation ? (Vous voyez, encore une fois, on retrouve la respiration au centre du problème). Eh bien, elle se maîtrise.
Alors, c’est connu depuis 40 ans et je remercie encore le Dr Christine Mirabel-Sarron, psychiatre à Saint-Anne, qui était une des pionnières sur l’importation de la méditation pleine conscience à l’hôpital et qui a déjà fait il y a 40 ans des études sur l’intérêt de la respiration yoguique et du yoga dans le traitement et la guérison des attaques de panique. Voilà un petit peu pour le pranayama, l’objectif en est celui-ci. Donc, on peut consacrer même déjà 5 minutes par séance, avant, après, peu importe, même au milieu. Maintenant, très fréquemment, on introduit un peu de pranayama en plusieurs séquences dans la séance. Ce n’est pas très grave.
Comment intégrer le pranayama dans sa pratique personnelle ?
Muriel : Il y avait la même question sur la pratique personnelle. Est-ce que c’est plus recommandé le matin, le soir ? À quel moment de la journée ?
Lionel Coudron : Le moment qui vous convient le mieux, et celui où vous êtes sûr que vous pourrez le faire. Pour des patients en pathologie, on va leur demander de le faire quatre fois par jour, 4/5 minutes. C’est le plus efficace. Parfois, il vaut mieux fractionner pour faire comme des espèces de points morts dans la journée. Les personnes qui n’ont pas trop l’habitude, et qui ne sont pas trop motivées pour le faire, le placent plus facilement de cette façon-là.
Points forts et contre-indications de différents pranayamas selon Lionel Coudron
Muriel : Comme je ne veux pas exagérer et abuser de votre temps, et qu’il y avait 93 questions, je le répète, je vous propose qu’on fasse un petit jeu. Je vous donne une respiration, puis vous dites un point fort et une contre-indication majeure par exemple. Ça nous permettra de balayer un petit peu toutes les respirations dont mon audience a souhaité parler avec vous.
La respiration abdominale ou diaphragmatique : la base
Muriel : Alors, la respiration abdominale ou diaphragmatique, quel serait son point fort, son indication première ?
Lionel Coudron : C’est le point de départ et elle est à pratiquer en permanence.
Muriel : Très bien ! Est-ce qu’il y aura une contre-indication particulière ?
Lionel Coudron : Aucune, vu que le diaphragme est sollicité en permanence.
Muriel : Est-ce que certains pratiquent cette respiration abdominale à l’envers?
Lionel Coudron : Non ! On ne peut pas. C’est quand le diaphragme s’abaisse à l’inspiration que les organes vont se repousser et vont donner ce sentiment que le ventre se gonfle. Mais on donne cette image : “J’inspire, je gonfle un ballon. J’expire, le ballon se dégonfle.” Donc, on ne doit pas avoir d’effet inverse. En revanche, ce qu’on peut des fois trouver, ce sont des personnes qui, effectivement, à l’inspiration, bloquent le ventre et font une respiration uniquement thoracique, puis expirent. Dans ce cas, on dit qu’on respire à l’envers. Ce n’est pas très grave, sauf que c’est plus une respiration qu’on va avoir quand on est un peu tendu, un peu plus anxieux, quand on est stressé. Donc l’idée, c’est de se relaxer et c’est pourquoi je vous dis respiration abdominale à toutes les sauces.
La respiration Ujjayi : la meilleure respiration ?
Muriel : La respiration Ujjayi, quel est son point fort ? Est-ce la meilleure respiration ?
Lionel Coudron : Il n’y a pas de meilleure respiration. La meilleure respiration, c’est votre respiration. Et surtout, le meilleur pranayama, c’est être conscient de votre respiration, de l’écouter, de l’accueillir, de l’accompagner. Ça, c’est le meilleur pranayama. Mais Ujjayi est un très bon pranayama qui permet de ralentir la fréquence respiratoire, qui permet, avec le son, d’avoir un effet lénifiant. Le son fait une espèce d’effet hypnotique, ça apaise, ça adoucit.
En même temps, quand vous faites une petite compression au niveau de la glotte (c’est ça qui produit le bruit), vous avez une augmentation des pressions à l’intérieur. Et donc vous avez un différentiel de pression intrapulmonaire qui est augmenté. Ceci entraîne, avec une respiration lente, des variations de pression plus importantes, qu’on n’observe jamais chez des gens normaux, qu’on observe uniquement en pathologie. Mais cette fluctuation des taux de CO2 et d’oxygène, qui se répercute au niveau du sang, va avoir une incidence au niveau du tronc cérébral. Je remercie le professeur Moigneteau. C’était dans les années 87/88, quand Bernadette de Gasquet venait également au congrès, qu’il nous avait fait part de ses recherches. Et à l’époque, il était chef de service à Nantes, en pneumologie.
Uddiyana Bandha ou stomach vacuum
Muriel : C’est passionnant ! Alors, le stomach vacuum ou Uddiyana Bandha : une indication, un point fort, et puis une contre-indication peut-être ?
Lionel Coudron : Uddiyana Bandha fait partie des contractions et des Bandhas qui sont au nombre de trois : Mula Bandha, Uddiyana Bandha, Jalandhara Bandha. Ce sont des verrouillages qui sont intéressants, et ce n’est pas Bernadette de Gasquet qui me contredira. Ils sont intéressants non seulement pour verrouiller le périnée, mais aussi pour fixer le bassin. Je veux dire, quand vous faites Mula Bandha avec le périnée, le releveur de l’anus, Uddiyana Bandha et Jalandhara Bandha, vous permettez la fixation du bassin. Du coup, quand il y a des pressions fortes, vous évitez bien sûr l’effondrement du périnée, mais aussi les atteintes au niveau lombaire. Donc ça reste aussi une précaution parce que c’est toujours désagréable, quand on fait un mouvement, et qu’on en ressort avec un mal de dos.

Comprendre le mécanisme d’Uddiyana Bandha
Lionel Coudron : Donc Uddiyana Bandha, il ne faut pas se méprendre, on peut le faire à plein comme à vide. Mais Uddiyana Bandha, ce n’est pas une contraction des abdominaux ; c’est une rétraction des abdominaux qui se fait de façon passive. C’est le fait que vous fassiez une fausse inspiration qui écarte les côtes. Et donc, c’est le phénomène inverse du diaphragme quand il s’abaisse. Si j’écarte les côtes, au niveau de l’abdomen, une dépression se produit. Et s’il y a une dépression, il y a un effet ventouse : c’est aspiré vers le haut. L’Uddiyana, c’est le grand envol, ça veut dire que les abdominaux sont remontés vers le haut. Mais pas parce que vous les contractez, parce qu’ils sont aspirés par le haut.
Alors, je ne dis pas qu’il n’y a pas au départ une contraction Mula Bandha, puis après Uddiyana. Il y a des chaînes ; on a parlé de fascias et de chaînes. Donc, entre le releveur de l’anus, les grands droits, il y a des stimuli qui vont se propager. Il y a des effets physiologiques. Donc, bien sûr, il peut y avoir une contraction au départ. Mais vraiment, Uddiyana, c’est l’écartement des côtes. C’est pour ça qu’on verrouille en haut, parce que si on fait une dépression thoracique, l’air va avoir tendance à rentrer. Évidemment, vous empêchez l’air de rentrer, et c’est le ventre qui rentre. Voilà pour Uddiyana. Alors, à quelle sauce on le met ? Moi, je le mets à toutes les sauces dès que j’ai une suspension du souffle, à plein et à vide.
Bhastrika et Kapalabhati : l’hyperventilation
Lionel Coudron : Alors, il y a Kapalabhati ou Bhastrika, qui sont deux variantes. En fait, il s’agit de l’hyperventilation, qui est utilisée dans beaucoup de méthodes comme la méthode Wim Hof, le Rebirth (années 70, mais qu’on voit encore), la respiration holotropique. Bhastrika, c’est le soufflet de forge, et Kapalabathi, ce qui fait briller le cerveau. L’hyperventilation est connue pour avoir un impact immédiat. Elle permet très rapidement d’obtenir une diminution de l’agitation mentale. Donc, quand vous faites ça, ça vous met dans un état un peu différent.
Kapalabhati, il ne faut pas oublier que c’est suivi par une suspension à plein, et qu’à la limite, l’hyperventilation vous permet aussi de rester en apnée longtemps après. À ne pas faire avant la plongée néanmoins. Les hyperventilations sont déconseillées, si vous faites de l’apnée et que vous plongez. C’est une catastrophe. Rappelez-vous, pour ceux qui ont vu le Grand Bleu, le japonais qui a fait Kapalabhati avant de se jeter dans l’eau, il perd connaissance et ne va pas dans l’eau. Donc Kapalabhati, c’est vraiment pour travailler sur les pensées, arriver à un état de calme, Yoga Chitta Vritti Nirodha. À la base, j’arrive à une suspension, je suis dans un état de bien-être. Et c’est vraiment ça qui est fondamental.
Les bienfaits de Kapalabhati et Bhastrika
Beaucoup d’études ont été faites, mais il faut que ce soit accompagné. Par exemple, je parlais de la méthode holotropique : c’était pris en charge dans le cadre de psychothérapies. Le Rebirth aussi. Mais, ça permet effectivement de développer une capacité de résistance de l’organisme. On le voit avec la méthode Wim Hof, qui est une hyperventilation, même si elle le fait à l’envers de Kapalabhati. Kapalabhati, c’est : j’expire actif, j’inspire et je relâche. Wim Hof, c’est l’inverse : j’expire en relâchant et j’inspire actif. Au bout du compte, c’est l’hyperventilation, avec le nez ou la bouche. Et des études ont montré que ça permettait d’avoir une action sur les dépressions, sur l’anxiété, mais il faut vraiment que ce soit bien accompagné.
Et je reviens sur une chose qu’on avait dite : ça doit toujours être fait en se sentant bien. On ne doit jamais se sentir mal avec les respirations, comme dans les postures de yoga. Il faut que vous vous sentiez bien, et c’est pourquoi tout à l’heure, je vous parlais de la pandiculation. Vous faites ça pour vous étirer, et ça doit être votre expérience première en yoga : vous devez vous sentir bien en vous étirant. C’est à ce moment-là que vous ne créez pas de stress dans votre corps et que votre corps en profite.
Adapter l’enseignement du pranayama : les conseils de Lionel Coudron
Muriel : Il y avait beaucoup de questions sur ces thématiques parce que les professeurs de yoga qui enseignent les pranayamas ont laissé les commentaires suivants : ‘‘ J’ai peur que mes élèves s’ennuient. J’ai l’impression que je les ennuie à leur demander de modifier leur respiration, alors qu’ils n’ont pas du tout envie. Je les mets dans une forme d’inconfort. Puis dès qu’il y a un ventre un peu proéminent ou bien une femme enceinte ou encore un reflux gastro-œsophagien, je ne sais plus quoi faire avec eux.’’ Alors, comment réagir dans un cours collectif ?
Interroger ses élèves
Lionel Coudron : D’abord, il ne faut pas avoir peur de leur demander si ça les intéresse ou qui serait intéressé, pourquoi pas par une petite fiche anonyme. Vous leur dites : “Est-ce que ça vous intéresserait que la prochaine fois, on fasse un travail sur une dimension du yoga qui est importante ? C’est-à-dire les respirations.” Vous serez surpris des réponses. Vous allez peut-être avoir beaucoup de demandes ou alors certains vous diront : “Non ! Je n’ai pas envie, ça m’énerve.” Mais posez la question, n’hésitez pas à demander des retours.
Moi, longtemps, je n’osais pas. J’avais le sentiment d’être intrusif. J’avais peur, parce qu’on a l’impression que le yoga est une pratique évidemment intime. Et c’est vrai ! Mais posez-leur des questions, vous serez étonné des réponses. Elles vont vous renforcer dans votre idée ou des fois vous permettre d’aller vers autre chose. Essayez, testez déjà.
Vous faites déjà un peu de pranayama sans qu’ils s’en rendent compte, avec synchronisation avec des mouvements, et puis vous faites 5/7 minutes (ce n’est vraiment pas long) en leur demandant de se concentrer sur le souffle : en écoutant le souffle, en prenant conscience de ce qui se passe, en observant le mouvement de l’abdomen. Mais ça, je dirais que c’est presque naturel dans un cours de yoga.
Adapter le pranayama comme les postures
Lionel Coudron : Après, évidemment, si vous avez des personnes avec des cas particuliers, en aucun cas vous ne faites Kapalabhati. Mais la personne qui est enceinte ou qui a un ventre proéminent est plus gênée dans une flexion avant, que de faire une respiration ou un Ujjayi. Donc, je dirais, qu’il s’agit d’ajuster, d’adapter, tout comme vous le faites pour les postures, pour les relaxations et pour les méditations.
Le mot de la fin de Lionel Coudron
Muriel : Très bien ! Je pense qu’on s’approche de la conclusion de cette interview. Est-ce que vous voulez ajouter quelque chose ? Ou est-ce que vous aimeriez répondre à une question en particulier ?
Lionel Coudron : Ajouter une chose, oui, car je vous avais dit tout à l’heure que j’en parlerai. Je voudrais mettre l’accent sur quelque chose : il faut bien se rappeler que l’être humain est le seul animal capable de maîtriser sa respiration. C’est un processus automatique, inconscient, chez les animaux. Nous sommes le seul animal à être capable de prendre du recul et de se dire “J’arrête de respirer”, comme le fait le petit espagnol dans Astérix en Hispanie, il me semble, qui régulièrement se dit : “J’arrête de respirer.’’ On est les seuls animaux à pouvoir contrôler, maîtriser notre respiration. Et cela nous ouvre le champ de tout ce qui est justement automatique. C’est ce qui nous permet d’avoir ces actions sur le système neurovégétatif. Et franchement, l’essayer, c’est l’adopter, parce que quand on en fait un petit peu, ça a un tel impact rapide, qu’on y revient.
Muriel : Je partage entièrement votre avis. Je vous remercie infiniment d’avoir accepté cet entretien, d’avoir été aussi longtemps présent avec nous et aussi engagé. Et j rappelle que vous serez au Congrès Respiration à Paris, qui est proposé par l’Institut de Gasquet, les 29 et 30 novembre 2024. Merci aussi à vous tous dans le chat. Je suis désolée, aujourd’hui, il y avait tellement de monde que je n’ai pas pris le temps de vous saluer un par un, mais j’ai vu beaucoup de noms que je connaissais. Encore merci pour votre fidélité, votre présence, et je remercie les 93 personnes qui ont pris le temps de poser des questions. Excusez-moi, on n’a pas pu tout voir, mais on y répondra bien d’une manière ou d’une autre, dans des articles, des partages à nouveau. Voulez-vous ajouter quelque chose ?
Conclusion
Lionel Coudron : Alors moi, j’étais ravi d’être avec vous et de pouvoir répondre à toutes ces questions. Je vous prie de m’excuser si on n’a pas pu tout voir. Vous avez compris que j’étais bavard, donc vous me pardonnerez. Sinon, je serai ravi de vous retrouver au Congrès et/ou sinon dans d’autres circonstances. Bonne pratique à tous et bon enseignement auprès de vos élèves. Je partage votre joie de pouvoir faire tout ça, parce qu’on a beaucoup de chance de pouvoir enseigner le yoga.
Muriel : C’est ça ! Vous avez des tas de remerciements dans le chat, inutile de vous le dire. Je vous remercie Dr Lionel Coudron.
Lionel Coudron : Je vous remercie également. Ça m’a fait très plaisir d’être avec vous et je vous dis, j’espère aussi, à très bientôt !
Partagez en commentaire en une phrase le Tilt, la prise de conscience, l’apprentissage essentiel que vous retenez de cette magnifique interview 😊
Muriel