Formation Prof de Yoga – Comment S’épanouir dans son évolution professionnelle?

Vous vous êtes formé pour Devenir prof de Yoga ? Comment s’épanouir dans votre parcours professionnel?
J’ai eu le plaisir d’être interviewée récemment par Julie On My Way – Podcast Secrets de Yogipreneurs.

Nous avons parlé de mon parcours en tant que kinésithérapeute, ostéopathe et passionnée de yoga, ainsi que de mon projet Adapter son yoga. Je vous partage de nombreuses astuces, très pratiques, pour rendre vos cours de yoga plus inclusifs et l’échange, très convivial, a également porté sur l’évolution professionnelle des enseignants de yoga, les doutes et un beau partage d’expérience !

Bonne écoute.

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Former les profs de yoga : mon parcours de kiné et ostéopathe

Muriel : Bonjour à tous. Merci beaucoup Julie pour ton invitation. Je suis ravie d’avoir l’opportunité de m’exprimer ici.

Julie : Bonjour à tous. Est-ce que tu pourrais déjà te présenter un peu plus, pour que tout le monde découvre ce que tu fais et ce que tu apportes aux professeurs de yoga ?

Muriel : Je m’appelle Muriel. Je suis kinésithérapeute de formation et j’ai exercé plus de 20 ans en cabinet libéral. J’ai un esprit curieux et j’aime apprendre et me former. Alors, assez vite, j’ai eu envie d’en savoir plus que la kinésithérapie seule et je suis devenue ostéopathe.

Sur mon chemin, j’ai commencé à pratiquer le yoga lors de ma première grossesse. J’exerçais déjà depuis quelques années et très naturellement, j’ai eu envie d’explorer comment transmettre le yoga à des publics fragiles, comme mes patients. J’ai fait cela pendant une vingtaine d’années.

Puis est arrivé le Covid et, avec ma crise de la quarantaine, j’ai commencé à tourner en rond dans ma pratique en cabinet. Je savais que j’étais passionnée par la kinésithérapie et l’accompagnement corporel, mais je ressentais un besoin de renouveau dans ma manière d’exercer. C’est ainsi que j’ai lancé le blog, Adapter son yoga, il y a 4 ans.

De fil en aiguille, c’est devenu un organisme de formation pour les professionnels du yoga, certifié qualiopi.

Formation prof de yoga : les lacunes en anatomie

Julie : Qu’est-ce qui t’a amenée, en tant que kiné et ostéopathe, à vouloir transmettre tes connaissances aux professeurs de yoga ?

Muriel : Au départ, c’était un besoin personnel de renouveau : comment contribuer davantage, comment utiliser plus largement ce que je savais. Ensuite, c’est venu naturellement. Comme je pratiquais régulièrement dans le même shala, j’avais souvent des patients qui venaient du yoga : « Je me suis fait mal en pratiquant », « Je continue d’avoir mal au dos alors que je fais du yoga, je ne comprends pas ».

J’ai aussi soigné de plus en plus de professeurs de yoga, parce qu’il est difficile pour eux de trouver un thérapeute qui comprenne leur pratique. Progressivement, ma patientèle s’est un peu spécialisée vers le yoga.

Et là, j’ai constaté un vrai manque de connaissances de base en santé et en anatomie chez beaucoup d’enseignants et de pratiquants de yoga. Contrairement à un coach sportif, leur formation comporte très peu d’anatomie.

Pour donner une idée : en kinésithérapie, il y a environ 900 heures d’anatomie, alors que dans une formation de yoga de 3 ou 4 ans, on en trouve environ 30. Même quand elles existent, ces heures sont souvent placées dans de mauvaises conditions (après une matinée de pratique intense, l’après-midi, quand les élèves sont fatigués). Résultat : beaucoup de professeurs me disent avoir détesté l’anatomie, ne rien avoir compris ou retenu, trouver ça trop complexe ou inutile pour leur pratique.

Pourtant, il ne s’agit pas de transmettre toute l’anatomie, mais simplement des bases très concrètes : où commence et où se termine le mouvement juste dans une articulation, quels mouvements sont possibles ou risqués, quelles limites respecter ?

Souplesse, Laxité et Stabilité dans la pratique des asanas

Julie : Je m’y reconnais : quand j’ai commencé, je pensais que le yoga était surtout une question de souplesse. J’étais très hyperlaxe et je croyais que c’était un avantage. Mais j’ai découvert à travers mes propres erreurs que ça pouvait être dangereux. J’ai compris à quel point adapter sa pratique était essentiel.

Muriel : Exactement, tu me fais plaisir avec cet exemple, parce que j’ai beaucoup écrit sur l’hyperlaxité. Ça a été l’une des premières thématiques que j’ai explorées, car pour moi c’était choquant. J’ai mis longtemps à comprendre pourquoi je trouvais cela si frappant. J’explique souvent, pour que tes auditeurs retiennent, que certaines postures très avancées ou certaines contorsions ressemblent à un « film d’horreur articulaire ».

Il y a parfois des alignements justes, mais souvent les pratiquants se blessent en forçant sur leurs amplitudes articulaires. C’est ce que j’observais, et cela m’a amenée à constater que beaucoup de professeurs de yoga entretiennent le mythe selon lequel la souplesse rend en bonne santé. On croit que plus on est souple, mieux c’est. En réalité, c’est faux : plus on est stable, mieux c’est.

Et c’est connu : dans n’importe quel livre d’anatomie ou de biomécanique, on lit que la colonne vertébrale doit être stable, que la hanche doit être stable. Sinon, cela devient source de douleurs à long terme.

Formation prof de yoga : trouver la posture juste plutôt que la posture parfaite

J’ai mis à disposition beaucoup de contenus gratuits sur mon site Adapter son yoga. Parmi eux, un article consacré à l’hyperlaxité, accompagné d’une image de « film d’horreur articulaire » qui attire immédiatement l’attention.

Ce que je voudrais ajouter, c’est que l’anatomie est souvent très mal vécue dans les formations professorales de yoga. Beaucoup d’étudiants me disent : « J’ai détesté l’anatomie, je n’ai rien compris, c’est trop dur, je ne suis pas scientifique, je n’ai pas la mémoire pour ça à l’âge adulte. C’est un jargon incompréhensible et je ne vois pas l’intérêt pour ma pratique de yoga. » Je l’ai entendu des dizaines de fois.

À mon avis, c’est parce qu’on n’a pas vraiment besoin d’anatomie au sens académique quand il n’y a que 30 heures prévues dans une formation. Ce n’est pas l’anatomie qu’il faut transmettre, mais de grandes bases : où commence et où termine une articulation ? Qu’est-ce qui est autorisé ou non ? Si ces fondements étaient acquis, on n’aurait pas besoin de retenir que l’épaule s’appelle « gléno-humérale » ou « scapulo-thoracique ».

Qu’est-ce que le yoga adapté ?

Muriel : Comme tu le disais, toi tu es hyperlaxe, et c’est aussi le cas d’environ 90 % des professeurs de yoga. Cette morphologie leur donne un avantage : ils entrent facilement dans les postures.

À l’inverse, vous avez sûrement déjà entendu des gens dire : « Moi je ne peux pas commencer le yoga, je suis trop raide. » On l’entend tout le temps. Mais on oublie que la plupart des pratiquants qui « osent débuter », c’est justement parce qu’ils sont naturellement souples, voire laxes.

Il faut comprendre à quel point la barre est haute pour un corps « lambda », occidental, qui manque de souplesse. Commencer le yoga quand on est raide demande beaucoup de motivation, car la barrière posturale ferme souvent l’accès à la pratique. Bien souvent, la manière dont le yoga est enseigné exclut tout simplement les personnes trop raides ou avec une pathologie.

Or, tout le monde comprend bien que travailler la souplesse est bien plus intéressant chez quelqu’un de raide que chez quelqu’un de déjà trop souple.
Voilà mon désarroi : j’ai rencontré tellement de patients qui, sincèrement, ne trouvaient pas de lieu où pratiquer le yoga. C’est vraiment ce qui a fondé mon pourquoi du yoga adapté : rendre le yoga plus inclusif aux publics raides ou fragiles.

Souvent, il ne manque pas grand-chose : simplement savoir adapter le niveau de son cours à un public différent de sa propre morphologie. Or, la plupart des enseignants sont eux-mêmes hyperlaxes ou souples. Le pire, c’est qu’en formation professorale, tout le monde est plus ou moins au même niveau de souplesse. On n’est donc pas confronté à des corps raides ou fragiles tant qu’on n’enseigne pas réellement.

Julie : Et je dirais même plus : nous vivons dans une époque très « yang », tournée vers la performance, la croissance, l’idée d’aller toujours plus loin.

Et puis, quand on est entrepreneur, on est aussi souvent dans la performance. À un moment, c’est nécessaire. Mais quand on parle d’adapter, on comprend que le yoga n’est pas une question de performance : c’est un apprentissage pour mieux connaître son corps. Adapter sa pratique, c’est retrouver ce juste milieu entre le désir d’aller un peu plus loin et le respect de soi, parce que nous sommes tous différents. Dans un monde qui pousse à toujours forcer, cette approche prend tout son sens.

Julie : Pour aller plus loin, je me souviens qu’en Inde, la pratique pouvait être extrêmement exigeante. Beaucoup de méthodes incitaient à repousser ses limites, même au risque de se blesser. Aujourd’hui, on ne souhaite pas reproduire cela : se blesser ne devrait jamais faire partie de l’apprentissage, car une blessure limite durablement ce que l’on peut faire.

Prof de Yoga : enseigner la posture juste

Muriel : Je n’ai pas envie de parler des mauvaises pratiques, mais je tiens à rappeler quelque chose d’essentiel que m’a transmis Bernadette de Gasquet. Elle est extrêmement connue dans le monde de la kinésithérapie et a révolutionné ma manière de travailler bien avant que je m’intéresse au yoga. Je l’ai découverte à l’école de kiné sans savoir qu’elle pratiquait le yoga. Pour un kinésithérapeute, c’est un auteur majeur, peut-être même plus que pour un professeur de yoga.

Elle dit quelque chose auquel j’adhère totalement : il ne faut pas chercher la posture parfaite, mais trouver la posture juste. Cela peut sembler évident, mais il est essentiel de sortir de l’idée de représentation parfaite. Pour moi, il s’agit de trouver l’esprit de la posture.

Par exemple, dans un chien tête en bas, l’objectif est d’étirer et d’allonger la colonne vertébrale. Si pour y parvenir je dois poser les genoux à terre et adopter la posture du chiot, alors c’est parfait. Mon élève est dans la posture adaptée à son corps, il a son axe étiré, et c’est ce que je cherchais à obtenir. Il n’est pas grave que la posture ressemble peu à un chien tête en bas classique. Je me suis mise au niveau de mon élève et cela fonctionne très bien même dans un cours collectif.

C’est exactement ce que j’aime transmettre.

Julie : Quand tu observes l’évolution de tes élèves ou de tes patients, quel changement t’a le plus marqué chez les professeurs de yoga que tu as formés ?

Muriel : Pour les professeurs que j’ai accompagnés, souvent avec des problématiques de santé, le plus difficile a été d’accepter de sortir de l’idée de la posture parfaite. Pour être concret, je me souviens d’une enseignante de yoga qui souffrait régulièrement de névralgie sciatique. Elle me disait : « Dès que je fais une flexion, que ce soit une pince ou une demi-pince, ma sciatique se réveille. Comment puis-je être prof de yoga si je ne peux même plus faire Paschimottanasana ? »

Je lui ai expliqué : « Ce que vous transmettez dépasse largement la posture elle-même. Vos élèves n’ont pas besoin que vous, vous, exécutiez parfaitement la pince. » . Elle pouvait réaliser la posture sur la jambe gauche mais pas sur la jambe droite. Ce n’était pas un problème : elle pouvait enseigner et transmettre l’essentiel. Si le corps ne le permet pas, il n’est pas nécessaire de le forcer.

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C’est un cheminement important : sortir de la recherche de perfection, de l’image, de la volonté de tout montrer. Reconnaître sa vulnérabilité et ses limites crée, au contraire, un lien fort avec les élèves. Dire : « Voilà mon parcours de santé, voilà comment je le transcende grâce au yoga », devient un vrai vecteur de confiance.

Julie : Au-delà de la posture, c’est aussi une question de confiance en soi. Il y a toujours un équilibre à trouver : pratiquer, transmettre sa légitimité et sa certification, tout en restant authentique et conscient de ses limites.

Formation prof de yoga : adapter sa pratique aux élèves

Julie : Pour moi, le meilleur enseignant, ce n’est pas forcément celui qui fait la posture et qui montre tout. C’est le meilleur observateur, le meilleur communiquant, celui qui saura s’adapter, proposer des solutions ou amener son élève à trouver ses propres réponses dans son corps. Enfin, en fait, il faut sortir de cette idée de perfection.

Muriel : Et c’est exactement ce que l’on voit quand j’ai accompagné des publics fragiles : ce qui est absolument incroyable, c’est de voir la confiance en soi et la confiance dans le corps revenir. J’ai des histoires humaines extraordinaires, qui me donnent encore la chair de poule quand j’y repense, de personnes qui ont réussi à se dépasser et à retrouver confiance dans leurs capacités physiques.

Cette transformation ne s’arrête pas à la pratique physique. Je suis capable de faire… et dans la vie, ça ouvre un champ énorme. Quand tu retrouves dans ton corps un alignement, un ancrage, une confiance en toi et dans l’avenir, cela ouvre beaucoup de portes dans tous les aspects de la vie.

Julie : Le corps garde les mémoires, c’est quelque chose que je répète toujours. Libérer le yoga peut parfois libérer des mémoires que le corps a engrangées. J’en suis moi-même la preuve, notamment avec mon épaule, qui m’a beaucoup limitée et fait ressentir des peurs. Le yoga m’a permis de dépasser ces peurs dans certaines situations.

Si cette transformation peut se produire, elle va bien au-delà de la pratique physique. Quand on a envie d’y croire et de l’essayer, cela reste une véritable envie d’évolution.

Formation prof de yoga : les compétences essentielles

Julie : Si on se penche sur les compétences essentielles, quelles sont selon toi celles qu’un professeur de yoga doit développer au-delà de sa pratique posturale ?

Muriel : C’est une question vraiment compliquée pour moi parce que je ne suis pas professeur de yoga. Je ne vais pas donner de conseils aux professeurs de yoga mais je vais juste souligner une différence fondamentale entre le kinésithérapeute et le professeur de yoga, et après chacun retiendra ce qui est bon pour lui.

Quand on est kinésithérapeute, on nous forme à faire des bilans, à observer nos élèves, nos patients. On voit ce qui va bien et ce qui ne va pas. Et ce qui ne va pas, ce sont nos pépites. C’est ce qu’on corrige en premier. Et on va expliquer au patient, l’éduquer, en lui disant par exemple : « Vos appuis plantaires nécessitent un ajustement. » Mais toujours formulé de manière positive.

On va essayer de formuler positivement : « Observez, quand vous arrivez à placer le bord externe du pied, vos jambes sont plus fortes. » Je vais utiliser un langage adapté à mon patient et je vais créer un projet thérapeutique pour lui. Par exemple, je vais lui dire : « Est-ce que ça vous dit qu’on fasse toute une séance où on se focalise vraiment sur les appuis plantaires ? »

Formation de Prof de yoga : ajuster mais pas corriger

En yoga, pour une raison que j’ignore, quand je me suis formée pour devenir enseignante, et souvent les professeurs me le disent, « corriger son élève » est un terme tabou. J’ai repéré des grandes lignes de pourquoi, même si ce n’est peut-être pas vrai dans toutes les lignées, vous m’excuserez.

Souvent, ce tabou vient de la peur de blesser. On ne corrige pas parce que la capacité d’adaptation du corps est incertaine, et on ne sait pas trop jusqu’où on peut aller. On risque alors de sur-corriger et de provoquer une blessure.

Il existe aussi un mythe selon lequel l’intelligence du corps, comme tu l’as cité tout à l’heure, devrait trouver par elle-même son bon chemin. Mais je peux te dire que, comme ça, on perd des années. Si l’on est guidé et que l’on nous montre un peu le bon chemin, on gagne beaucoup de temps dans sa pratique. L’ajustement manuel n’est pas systématiquement nécessaire, je peux comprendre pourquoi certains hésitent à toucher bien sûr.

Yoga – Réflexions sur la guidance et l’intelligence naturelle

Julie : Chacun fait son chemin par rapport à ça, mais ne pas avoir au moins des consignes orales précises, qui guident avec gentillesse et bienveillance vers où aller dans la posture, je trouve que c’est un véritable tort dans le yoga.

Muriel : Pour moi, c’est un prérequis. Je suis obligée d’éduquer mes élèves, mes patients à leur corps, de leur donner des clés de lecture et de compréhension de ce qui va et de ce qui dysfonctionne. Il ne faut pas oublier que le cours de yoga dure généralement une heure. Il y a peut-être deux cours dans la semaine quand on a de la chance. Et si, pendant ce temps très limité sur le tapis, le prof de yoga a fait germer une graine de compréhension. L’élève va la réutiliser tout au long de sa journée, alors vous décuplez véritablement les effets positif du yoga !

Julie : Je pense que nous poursuivons le même objectif, mais de manière différente.

Souvent, quand j’ai une cliente qui arrive chez moi en coaching pour développer son activité, je vois tout ce qu’elle doit travailler. Directement, je fais un diagnostic et identifie les points prioritaires. On commence par là, parce que si elle ne travaille pas sur ces bases, le reste ne suivra pas.

Et cela soulève toujours la même question : est-ce que je la laisse faire ses propres erreurs, ou est-ce que je la guide sur certains points pour qu’elle expérimente exactement la même chose ? Si certaines choses ne sont pas dépassées avec mon aide, elle peut passer des années à essayer de courir partout alors que ce n’est pas sa nature et qu’elle n’a pas dépassé certaines croyances.

C’est intéressant, car on peut vraiment transposer ce principe dans de nombreux aspects de la vie.

Julie : C’est aussi ce qui fait la richesse aujourd’hui d’un prof de yoga 2.0 : sortir des injonctions, parfois dépasser ce qu’on nous a appris, et développer sa propre réflexion basée sur l’expérience. Et quand on observe ça, je dis toujours : sondez vos clients, sondez vos élèves. Qu’aiment-ils ? De quoi ont-ils besoin ? Si l’on pense uniquement à soi, comment espérer que les élèves soient satisfaits et évoluent ? Il est donc essentiel de s’adapter à eux.

Yoga adapté : par où débuter?

Muriel : Si j’ai repéré trois points clés pour chaque personne dans mon bilan, trois choses sur lesquelles je veux travailler, je laisse le choix à mon patient. Je dis : « Moi, je pense qu’il faut travailler absolument sur ces trois thématiques, par exemple sommeil, digestion, gestion du stress. Qu’est-ce qui vous semble le plus facile pour démarrer ? Par quoi vous vous sentez capable de commencer ? » Ensuite, on cherche des outils et on voit comment procéder. C’est une alliance thérapeutique, un partenariat, avec beaucoup de feedback.
Si l’on se trompe ou si l’on n’a pas choisi le bon axe, ce n’est pas grave, on adapte.

Julie : Je suis aussi très d’accord sur l’idée de sortir du dogmatisme. On en reparlera un peu après. D’ailleurs, j’aime bien me projeter dans le futur : quand on se lance dans une activité professionnelle passionnante, voir l’avenir permet de se rassurer. Toi et moi partageons ce point de vue : comment vois-tu l’évolution de la profession de prof de yoga dans les années à venir, notamment avec l’intégration de plus en plus d’expertise, comme l’anatomie ?

Ouverture du Yoga vers la Science

Pour ma part, je ne me sens pas compétente pour parler de l’évolution de la profession de prof de yoga, mais je tiens à dire une chose : pour moi, cette ouverture vers la science est incroyable. C’est vraiment génial.

La connaissance scientifique ou médicale derrière la yoga « thérapie », c’est vraiment mon « pourquoi », ça fait partie de mes valeurs très fortes. Le fait que le yoga s’ouvre à la médecine, à la thérapie, à la science, c’est une opportunité de connaissance incroyable, qui permet aussi de créer des ponts vers des champs encore peu explorés, comme la médecine et la thérapie. Je trouve ça génial, ce côté très scientifique qui s’invite dans le yoga.

Muriel : Maintenant, je comprends aussi la partie adverse qui dit : « Oui, mais c’est de l’appropriation culturelle. On s’éloigne du yoga des origines. » Mais encore faut-il être sûr de ce qu’étaient vraiment ces origines. Moi, je suis très progressiste dans mon approche, c’est évident. De toute façon, je ne me suis jamais considérée comme enseignante de yoga. Je ne suis pas puriste à la base, donc je ne risque pas de le devenir. Et puis, je crains les dogmes, les transmissions trop rigides : j’ai besoin de vérifier, de confronter, je ne peux jamais croire uniquement sur parole ou sur la seule expérience de quelqu’un.

Yoga : l’expérience personnelle ne vaut pas vérité scientifique

Muriel C’est ça aussi que j’aimerais beaucoup transmettre aujourd’hui. Je me suis souvent agacée de voir des personnes confondre expérience personnelle et réalité scientifique. Je donne un exemple : ce n’est pas parce que j’ai soulagé mon asthme grâce au pranayama que je peux dire que l’asthme est soignable par le yoga. Médicalement, c’est complètement faux. Et rétablir cette vérité scientifique, pour moi, c’est fondamental. Voilà pourquoi je suis si heureuse que le yoga s’ouvre de plus en plus à la science.

Julie : Plutôt que de parler de « soigner », je préfère dire « aller vers un mieux », à travers différentes explorations. Et quand tu transmets cet état d’esprit à tes élèves, tu ne leur dis pas « je vais vous guérir », mais « je vais vous aider à aller vers le mieux », en apprenant à mieux se connaître, en testant des choses. On sort alors de cette posture d’autorité pour aller vers un accompagnement.

Julie : Parce que souvent, je vois des professeurs qui se mettent une pression énorme : « Je ne suis pas thérapeute, je ne suis pas médecin. » Mais ce n’est pas le rôle du professeur de yoga ! Son rôle, c’est d’accompagner, de soutenir, d’aider les élèves à tendre vers le mieux, à développer des routines, des façons de fonctionner qui améliorent leur quotidien.

Julie : Et cela rejoint ce que j’observe aujourd’hui : l’évolution du métier de professeur de yoga. Oui, il y a de plus en plus de profs. Oui, beaucoup sont passionnés. Et pour moi, c’est une énorme opportunité, parce que le monde en a besoin. Les systèmes nerveux en ont besoin, face au nombre de burn-out, d’épuisements, de blessures liées à la sur-performance. On a besoin de cette pratique, plus que jamais.

Formation prof de yoga : de l’enseignement à l’accompagnement

Julie : Je pense que l’avenir du yoga, c’est l’accompagnement. On n’est plus simplement dans le yoga « loisir », où l’on suit une vidéo toute faite sur YouTube. On évolue vers un yoga où l’enseignant soutient vraiment son élève, où il est présent d’une manière plus holistique, en proposant un accompagnement qui fait la différence. Ce n’est plus seulement « tiens, fais cette posture », mais « allons plus loin, ensemble ».

Et pour moi, c’est ce qui va marquer l’évolution du métier : un peu comme aux États-Unis où il existe des coachs en tout — nutrition, sommeil, sport… parfois jusqu’à l’excès, certes — mais il y a une logique derrière. De plus en plus de gens commencent à réfléchir ainsi : « J’ai besoin de quelqu’un qui me soutienne dans mon mieux-être, dans la prévention, dans l’accompagnement du vieillissement. » Et ça, c’est une vraie richesse pour l’avenir du yoga.

Julie : Je pense que les thérapeutes et les accompagnants ont chacun leur rôle. Les kinés soignent leurs patients, mais il est impossible d’être présent en permanence tout au long de la vie. Il pourrait exister des passerelles : le kiné reste le thérapeute, le professionnel de santé, mais le professeur de yoga peut aussi venir soutenir la démarche d’autonomie et de discipline, afin d’aider le patient à préserver les bienfaits dans la durée. Les possibilités sont multiples.

Formation prof de yoga : la nécessaire alliance avec le monde de la santé

Muriel : J’ai beaucoup réfléchi à ces frontières, parce que c’est compliqué pour moi aussi. Je ne veux surtout pas former des pseudothérapeutes, des personnes qui dépassent leurs compétences. Mon idée est très claire : le suivi individuel médical doit se faire en cabinet, auprès d’un professionnel de santé, car nous n’avons pas du tout la même formation à la base.

Certains patients ont besoin de faire ce premier pas vers le yoga en cabinet, avec un professionnel. C’est ce que j’ai expérimenté pendant des années en animant des cours de yoga en petits groupes, par exemple des cours « spécial prothèse de hanche » après une chirurgie. Dans cette période critique, les professeurs de yoga n’osent pas toujours accueillir quelqu’un qui sort d’une opération, alors que pour nous, kinés, c’est plus facile de savoir comment gérer. Et le travail en petit groupe apporte en plus un côté convivial, très stimulant. J’ai vraiment adoré ça.

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Mais la difficulté, c’est qu’à un moment, ces patients, on ne peut pas les suivre trois fois par semaine, parce qu’on a d’autres patients. Alors quand on souhaite les orienter vers un cours collectif en ville, il est souvent difficile de trouver un relai adapté. Pour moi, l’enjeu est vraiment là : qu’il existe, en cours collectif, des pratiques un peu adaptées, avec davantage de tolérance.

Et je suis désolée de le dire, mais il y a encore beaucoup d’intolérance envers le monde médical, notamment de la part de certains professeurs de yoga issus de disciplines plus holistiques ou énergétiques qui dénigrent le travail des pros de santé.

Or, pour moi, c’est fondamental de travailler en alliance thérapeutique avec le corps médical. S’il n’y a pas ce respect mutuel, s’il n’y a pas cette compréhension des objectifs des deux côtés, ça ne peut pas fonctionner. Et au milieu, le patient se retrouve perdu. Tout l’enjeu est donc de trouver un juste équilibre.

Et je voudrais rappeler un point important, parce qu’il y a souvent un écueil. En tant que kiné, il m’arrive de recevoir des personnes en burnout, et on me dit « le yoga va sûrement l’aider à réguler son système nerveux ». Peut-être, oui. Mais si cette personne a une appétence pour le crossfit ou la course à pied, je ne vais pas l’envoyer vers le yoga. Si son truc, c’est le crossfit, alors très bien. L’essentiel est que ça lui convienne. De toute façon, une personne ne s’engagera que si elle en a envie, et toujours en fonction de sa personnalité, de son énergie et de ses besoins du moment.

Julie : Par rapport à tout ce qu’on vient de partager, j’aime bien parler de mission. Parce que je pense que notre énergie, notre impulsion, le fait de continuer et de persévérer, vont souvent bien au-delà de nous. C’est presque spirituel : on avance parce qu’on a envie d’aller vers quelque chose.

Transmettre aux profs de yoga

Julie : Alors, en quoi la mission que tu as portée avec Adapter son yoga nourrit-elle ton propre chemin de vie et ton équilibre personnel ?

Muriel : Je ne prétends pas avoir trouvée ma mission encore. Je pense que je suis dans une période de grand changement d’identité professionnelle. J’étais thérapeute en cabinet. Depuis 2 ans, j’ai complètement arrêté le cabinet et maintenant je me consacre vraiment à la transmission, l’écriture, le partage de connaissances. Donc ma mission de vie, elle semble avoir beaucoup changé. Mais je pense que les points fondamentaux, c’est que j’aime apprendre et transmettre.

J’aime maîtriser quelque chose et puis quand j’ai réussi à comprendre 80 % d’une question, j’adore vulgariser et transmettre. Et souvent mes élèves me disent « Ah ben, j’aime bien apprendre l’anatomie avec toi parce que ce n’est pas ch**nt. »

En parlant comme ça, tu arrives à être enthousiaste, à expliquer facilement les choses. On te comprend. Cela fait vraiment partie de mon chemin : donner la clé de la connaissance à l’autre, et beaucoup la clé de la réparation aussi. Quand j’étais kiné et ostéopathe, une énorme partie de mon travail, c’était l’éducation, transmettre à l’autre.

Si tu veux, j’étais plus contente quand mon patient repartait avec un exercice qui allait vraiment l’aider. Un exercice qu’il savait bien faire, qu’il pouvait reproduire à la maison, et qui était pertinent pour lui, plutôt que de simplement l’avoir soulagé. Parce que le soulagement procuré dans la séance est plus ou moins court, alors que la graine semée peut durer toute sa vie. Donc, tu vois, ma mission est plutôt là.

Donner les clés de compréhension à l’autre, donner des outils, je pense que ça fait vraiment partie de mon chemin. Ma mission de vie, c’est toujours en évolution. Je trouve qu’il y a des courants qui disent « il faut trouver ta mission »… mais en réalité, c’est toute la vie qu’on la trouve. Et même, elle évolue en fonction des périodes de notre vie.

Prof de yoga : oser et s’entourer pour réussir

Julie : Aujourd’hui, je sens que ma mission passe par le fait d’oser, d’avoir de l’audace, d’aider les gens. Et j’aime beaucoup dire que je lis dans les identités en transformation. C’est une identité qui bifurque, qui évolue. Très souvent, mes clients sont des personnes en reconversion, un peu perdues, qui se mettent à explorer une passion, et qui vivent un transfert identitaire. Elles se demandent : « Est-ce que je suis vraiment capable ? Est-ce que je suis à ma place ? Qu’est-ce que je peux transmettre ? Je ne viens pas de ce milieu, est-ce que j’ai le droit ? »

Personne n’est né avec un tapis de yoga sous son berceau, clairement. Donc l’idée, c’est aussi d’oser être soi, et de se dire que les personnes qui vont se connecter à nous, ce sont celles qui auront envie de passer du temps avec nous. Et puis aussi, de toute façon, si tu ne prends pas ta place, personne ne la prendra pour toi. Personne ne te la donnera, ça c’est sûr. Ce sont des grandes phrases classiques, mais moi j’aime les faire intégrer émotionnellement, dans l’expérience de vie. Pour moi, c’est une mission importante : libérer la parole, libérer l’expression, pour que la personne se sente alignée avec le changement identitaire qu’elle traverse. C’est essentiel, car je l’ai vécu.

Je sais à quel point ça peut être chaotique quand on n’est pas soutenu. Et si je peux contribuer à ce soutien, je suis comblée. J’ajouterais même qu’on est rarement soutenu dans ce genre de cas.

Muriel : Quand j’ai décidé d’arrêter mon cabinet pour passer uniquement sur le web, il m’a fallu environ un an, un an et demi pour me dire que c’était possible et passer à l’action. Et là, j’ai eu des résistances de toutes parts. Personne ne m’a dit « Youpi, super idée, fonce ». En réalité, une seule personne me l’a dit : un entrepreneur chevronné. Il m’a dit : « Tu sais, les gens qui réussissent, c’est ceux qui travaillent là où ils ont des étoiles dans les yeux. » Mais ça, tu ne l’entends que si tu es dans le monde de l’entrepreneuriat. Sinon, ce que tu entends, ce sont les craintes : « Comment tu vas faire pour gagner ta vie ? » Mes patients me disaient : « Mais comment je vais faire pour être soigné si vous n’êtes plus là ? » Tous les gens autour de moi s’inquiétaient, et se demandaient pourquoi j’arrêtais quelque chose qui marchait bien.

Oser sa reconversion professionnelle

Julie : Moi, j’appelle ça « l’hygiène environnementale ». Quand on est dans une transformation identitaire, c’est comme si on renaissait. Et quand tu es un bébé, il te faut un cocon. Il faut des gens ressources, une communauté bienveillante qui croit en toi, des gens qui connaissent ce chemin. On aime notre famille, nos amis, mais parfois on n’a pas envie de leur parler de ça, parce que c’est fragile.

Julie :Moi, pour comprendre ça, j’ai dû partir à l’autre bout du monde, me déconnecter de mes amis, de ma famille, pour qu’ils me laissent de l’espace. Je ne vous souhaite pas ça, car ce n’est pas obligatoire, mais moi j’en avais besoin. Et je vois beaucoup de clients me dire que leur conjoint, par exemple, ne croit pas en leur projet. Là, c’est encore plus compliqué, car on touche à la sphère familiale. Mais en réalité, c’est normal : les gens s’inquiètent pour toi.

Si toi-même tu t’inquiètes, c’est normal qu’ils s’inquiètent aussi. L’essentiel, c’est de renforcer ta confiance, de t’entourer de gens qui connaissent le parcours, qui sont là pour t’accompagner, et de te dire : « Ça va bien se passer, c’est une expérience, et surtout, ça me donne de l’énergie. »

Muriel : Je pense que, dans ces moments de questionnements, c’est très important de comprendre qui nous parle, et quelle est la réelle connaissance du problème de la personne qui s’exprime. À qui je choisis de me fier quand j’écoute mes parents, par exemple, qui ont peur que je ne gagne pas ma vie sur le web ?

Est-ce qu’ils connaissent l’économie du web ? ou celle des réseaux sociaux ? Sont-ils compétents dans le développement d’une entreprise comme la mienne? En réalité, non.

Julie : Et d’ailleurs, si on leur pose la question ouvertement, souvent c’est ce qu’ils répondent : « C’est vrai que je n’y connais rien au métier de prof de yoga en libéral. » Maintenant, si tu prends des mentors qui sont déjà passés par là, c’est très différent. Donc il faut toujours se demander : qui s’exprime et qui émet un jugement sur ton projet ? C’est ça, la vraie question.

Par exemple, quand je parle à ma grand-mère, elle me dit : « Mais je ne comprends rien à ce que tu fais. » C’est normal à 82 ans. Et c’est pareil pour beaucoup d’autres : on entend tellement de choses, parfois n’importe quoi, sur le web. En réalité, ces peurs viennent souvent des autres. Moi, j’ai entendu des remarques comme : « Voyager seule, c’est trop dangereux », ou encore « Le yoga, c’est une secte ». Ce sont des personnes qui ont elles-mêmes eu peur de partir, peur de s’engager dans certaines choses. En fait, elles projettent leurs propres peurs sur toi.

Julie : Alors, soit tu les absorbes, soit tu décides d’aller te renseigner, de sentir ce qui est bon pour toi, et de te positionner. C’est difficile, ce n’est pas toujours simple, mais quand tu le fais, tu te sens plus libre de tes choix.

3 astuces pratiques pour des cours plus inclusifs

Julie : si tu devais donner trois conseils pratiques et accessibles à un prof de yoga qui veut rendre ses cours un peu plus sécurisants, ce seraient lesquels ?

Astuce 1 : éviter de débuter son cours assis au sol

Muriel : Un point que l’on me rappelle toutes les semaines. Par exemple, lundi, quelqu’un m’a dit : « J’ai pris un cours de Pilates. Il a commencé assis par terre avec des mouvements du bassin, d’antéversion et de rétroversion, et ça m’a fait mal. »
Je lui ai répondu : « C’est normal pour toi. En revanche, la prof de Pilates n’a pas pris en compte que cet exercice est trop difficile pour la majorité des participants. Ce n’est pas de ta faute. »

Donc premier conseil : ne commencez pas votre cours assis au sol. C’est très concret, très pratique. Si vous avez un niveau 2 de yoga avec des élèves hyper avancés, hyper souples, pas de problème. Mais si vous avez un public fragile, très sédentaire ou très raide, les postures assises au sol sont un supplice. Imaginez-vous en jean slim très serré, assis par terre, et essayez de pratiquer.
C’est horrible pour une personne raide, ça la met tout de suite en situation d’échec et de douleur. Pourtant, c’est hyper courant : commencer un cours de yoga assis au sol, c’est vu comme « la base ». Mais en réalité, c’est un vrai problème. Il vaut mieux commencer debout : c’est beaucoup plus favorable pour un public fragile.

Astuce 2 : proposer un échauffement

Deuxième conseil : respecter un temps d’échauffement. Avant 35 ans, on ne se rend pas compte de son importance, mais ensuite oui : préparer le corps, c’est essentiel. Un échauffement doit être dynamique, avec du mouvement, pas seulement statique. Par exemple, faire des ronds d’épaules, des mouvements de bras… Il faut que ça bouge. Et surtout, l’échauffement ne peut pas se faire assis au sol : pour les personnes raides, c’est douloureux, seules les personnes très souples réussissent à s’échauffer dans cette position.

Astuce 3 : faire acheter des zafus aux élèves

Troisième conseil : demander aux élèves fragiles, raides ou très sédentaires d’acheter au minimum un zafu ou une brique en début d’année. On ne peut pas pratiquer correctement sans pouvoir surélever un peu le sol. Et si vraiment il n’y a aucun accessoire (par exemple au premier cours), vous pouvez rouler le tapis de yoga pour que la personne s’assoie dessus : ce sera toujours mieux que directement par terre.

Évidemment, ma position est parfois délicate : je transmets des conseils issus de ma pratique de kiné, qui ne correspondent pas toujours à ce que les professeurs ont appris dans leur formation. Mais justement, le yoga n’est pas si dogmatique que ça. Selon les lignées, on apprend différemment. Il est donc important d’accepter d’ouvrir un peu le cadre, de sortir du dogme, et de laisser le temps à ces idées de mûrir.

Se sentir légitime pour former des profs de yoga

Ensuite, sur la légitimité, est-ce que j’ai déjà douté profondément de ma légitimité ou de mon chemin ?

Muriel : Pas profondément non, mais oui, j’ai douté tout le temps. Chaque étape m’a fait peur : poster mon premier message sur les réseaux, faire mon premier live, publier un article, demander un email en échange d’un cadeau… Chaque étape a été un travail sur moi.

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Comment j’ai surmonté ça ? Je n’étais pas seule. J’étais accompagnée, j’avais un cadre, un parcours de formation avec des étapes claires. Et surtout, j’avais deux communautés : une communauté d’infopreneurs, avec qui on partageait nos difficultés, et une communauté d’élèves ou de lecteurs, qui suivaient mes contenus.

Quand on me disait dans mon entourage : « Tu n’as pas peur de ne pas gagner d’argent ? », ça ne pesait pas du tout de la même façon car j’avais 2 communautés pour me soutenir. Et avec le temps, les retours positifs de mes élèves et de mes lecteurs ont largement pris le dessus. Bien sûr, il m’arrive d’avoir un retour négatif, mais c’est infime comparé aux remerciements reçus.

Un exemple ? le pire message que j’ai reçu venait de quelqu’un, sans doute très compétent dans le yoga, qui m’a écrit : « Ce que vous faites, ce n’est pas du yoga, c’est bassement corporel. Vous n’avez rien compris au yoga. » Ça m’a blessée. Et puis j’ai réfléchi : en fait, il avait raison, je suis dans le corporel. Et c’est précisément ma mission.

C’est vrai, la partie qui m’intéresse dans le yoga, et ça a toujours été, c’est le corps physique. J’ai toujours travaillé en thérapie. C’est mon pourquoi dans la vie. De manière naturelle, je suis quelqu’un de très pragmatique, très ancré dans la réalité et pas beaucoup dans la spiritualité. Il a raison, je suis basiquement corporelle.

À partir de là, ça m’a permis d’affiner qui j’étais et ce que je souhaitais transmettre avec plus de clarté. Maintenant, je me présente comme ça. Comme je t’ai dit, je suis kinésithérapeute, ostéopathe, puis j’ai découvert le yoga et j’ai une vision tronquée de ce qu’est le yoga. J’ai une vision fortement influencée par mon parcours de thérapeute, et c’est OK, j’assume qui je suis. Il m’a fallu cette critique très violente pour l’assumer pleinement.

Julie : C’est hyper intéressant parce que c’est le retour à soi déjà.

S’épanouir comme prof de yoga

Julie : J’ai douté aussi. Et je me suis fait aider. J’ai beaucoup travaillé sur mon parcours personnel et c’est ce que j’apporte aussi à mes clientes : découvrir déjà qui elles sont, parce qu’à travers ça, tu vas venir apaiser. Non, tu n’es pas comme ta formatrice, tu es toi, tu as ta propre personnalité et plus tu apprends à la connaître, plus tu découvres pourquoi tu en es arrivé là. Déjà ça, je trouve que ça soigne beaucoup la légitimité et, par rapport aux haters, mon conseil est de laisser parler.

Julie : Si des personnes vous suivent sur vos réseaux et qu’elles sont des haters, vous pouvez les bloquer. Aujourd’hui, vous avez la possibilité de contrôler votre espace en ligne. Moi, je suis souvent challengée par des personnes qui ne supportent pas que je parle d’argent et de yoga. Au début, j’avais peur de ça, mais je me suis dit que j’allais assumer et faire face aux retours. En réalité, ces réactions sont très rares, car beaucoup comprennent que si vous vous développez et gagnez correctement votre vie dans le yoga, vous pouvez être encore plus généreux avec vos élèves, plus épanoui et disposer de ressources suffisantes pour continuer à vous former.

Julie : Tout ça forme un cercle vertueux d’évolution, c’est ça l’abondance. Tu as des fruits, tu les manges, tu grandis, des graines poussent, et tout cela fait partie du chemin. J’ai rencontré beaucoup de personnes virulentes, et ça continue parfois, mais c’est OK, c’est leur chemin.

Julie : Je me suis recentrée sur moi. Pour vous donner un exemple, je travaillais dans une banque en tant que porteuse de projets économiques régionaux et j’ai accompagné énormément d’entreprises dans le lancement de leurs projets. Aujourd’hui, je considère que ma mission est d’aider les gens à créer un pont entre passion et argent. C’est important, car en France, parler d’argent reste tabou ; on doit rester discret. Même des personnes très riches répètent « il ne faut pas montrer ». C’est une culture, c’est comme ça.

Il faut toujours se demander ce que cela permet dans ton évolution, ce que cela apporte à ton entourage et à tes élèves, afin qu’ils puissent bénéficier de tout cela. Pour ma part, j’ai été aidée par des mentors, des infopreneurs, et j’ai voyagé à travers le monde, accompagnée par des personnes de cultures différentes, aux États-Unis et au Canada.

Entreprendre pour mieux se connaître

Muriel : Assumer ton rapport à l’argent est essentiel, car cela attire vers toi les auditeurs et les clients que tu souhaites réellement accompagner. Pour moi, c’est exactement pareil : si je n’assumais pas le fait d’être centrée sur le corps physique et sur le côté scientifique de mon approche, j’aurais des personnes venant avec une quête de yoga thérapie axée sur les énergies ou la spiritualité, des termes plus holistiques que ce que je propose, et elles n’adhéreraient pas à ce que je transmets.

Moi, je suis alignée avec ce que je transmets, et cela me donne confiance en moi. C’est très facile pour mes lecteurs de s’informer sur ce que j’écris : ils vont sur mon site web ou ma chaîne YouTube, regardent mes vidéos, et voient si ça leur plaît. Puis un jour, ils franchissent le cap de venir en formation ou pas. C’est très simple. Mes lecteurs apprécient sincèrement ce que je raconte et adhèrent à mon projet, j’ai essentiellement des retours positifs. Quand ils deviennent élèves de mes formations, tout se passe naturellement très bien. C’est ça, trouver notre « client idéal ». Ceux qui n’adhèrent pas à mon discours se désabonnent naturellement de mes contenus.

Concilier vie pro et vie personnelle

Julie : En tant qu’entrepreneur et professionnel de santé, comment préserves-tu ton équilibre personnel ?

Muriel : Pour ma part, j’ai toujours cherché à concilier équilibre familial et professionnel, même quand j’étais kiné libérale. Je me suis toujours arrêtée « tôt pour une kiné » (à 17h) pour m’occuper de mes enfants. Pendant longtemps avec Adapter Son Yoga, j’ai échoué sur ce point de l’équilibre de vie pro/perso, mais je commence enfin à ressentir un mieux-être. C’était difficile, et c’est normal : au début, il faut fournir un effort important pour lancer son projet !

Muriel : Mais je n’ai jamais considéré que c’était un sacrifice. Je me suis toujours éclatée dans ce que j’ai fait et j’ai trouvé ça génial. Même si j’écrivais jusqu’à minuit sur l’hyperlaxité, ça m’enthousiasmait. J’ai eu de la chance, je me suis développée très vite. Cependant, comme j’étais seule aux manettes, je me suis rapidement retrouvée dans un goulot d’étranglement où il y avait trop à faire. Je suis perfectionniste et j’aime que ce soit bien fait. Quand je prends un engagement, j’aime le tenir, et ça a été extrêmement difficile.

Il y a eu une période où j’étais complètement surmenée. Certaines personnes me disaient « tu devrais faire plus attention à toi » ou « les cimetières sont pleins de gens comme toi ». Ce n’était ni utile, ni soutenant, ni intéressant comme remarques. Même, cela m’énervait !
Moi, je cherchais des solutions. OK ! Mais, plutôt que de me culpabiliser, dis moi comment je fais pour tout gérer ?
Je me suis donc beaucoup cultivée et formée, car je n’étais pas entrepreneure dans l’âme, je suis kinésithérapeute.

Augmenter sa Productivité puis déléguer

J’ai appris par exemple à organiser mon temps pour être plus productive : travailler par blocs, regrouper les rendez-vous dans des zones peu productives. Chacun doit trouver sa méthode.

Un autre truc qui m’a beaucoup aidée : travailler en fonction de mon niveau d’énergie et de mon humeur. Par exemple : je sais que de 10h à 13h je suis haute en énergie, je travaille bien, je fais donc des tâches complexes et je ne prends pas de RDV sur ces créneaux.
Si à 9h je suis dans le brouillard ou d’humeur bougonne, je fais des tâches simples comme de la comptabilité : chercher des factures, cocher des lignes, ça me réveille. Accepter de ne pas être linéaire. Je me suis beaucoup cultivée sur des conseils pratiques pour augmenter ma productivité.

J’ai aussi compris que je ne pouvais pas augmenter indéfiniment ma productivité. De toute manière, j’allais arriver à un plafond. J’avais beaucoup de reconnaissance pour ce que j’arrivais déjà à faire et je faisais le constat qu’en une journée, j’abattais un travail énorme que je n’arrivais pas à faire il y a encore six mois, tu vois. Donc j’avais beaucoup progressé en productivité et ce n’était pas la bonne solution. Je ne voulais pas non plus devenir une machine.

Là, j’ai compris qu’il fallait que j’accepte de l’aide, qu’il fallait que j’accepte de déléguer. Pourquoi je ne l’avais pas fait jusqu’à présent ? Parce que j’avais peur. J’avais peur de manquer d’argent, peur de ne pas être capable de payer cette personne. Donc je n’employais pas les bonnes personnes, je ne mettais pas assez d’argent pour avoir les bons profils. J’ai fait des erreurs de recrutement et j’ai appris de mes erreurs. Puis, je me suis cultivée. J’ai beaucoup écouté des tutos, de podcasts, j’ai suivi des formations.

J’ai demandé autour de moi, aux entrepreneurs, comment ils avaient fait pour recruter leur assistant virtuel, ce genre de choses. Puis voilà. Il y a aussi toutes les techniques d’automatisations et d’intelligence artificielle. Il y a énormément de thématiques sur lesquelles tu peux te former.

Ça m’a vraiment aidée à me sentir beaucoup mieux dans mon entreprise.

Entreprendre dans le yoga

Julie : Tout ce que tu me dis, je le partage parce que je vis aussi la même chose.

L’idée d’un « ennemi délégué », le fait de pouvoir aussi trouver ses propres repères… j’aide beaucoup mes clientes à connaître leur propre chronobiologie à travers leur entrepreneuriat, voir quelle est leur zone d’énergie.

Julie : Je dirais une seule chose que j’aimerais que vous reteniez pour ce podcast par rapport à l’équilibre de vie : il y a une responsabilité que vous avez. Ça peut paraître dur, mais il y a vraiment cette question de cadrage. Si tu arrives à cadrer ta famille et à dire que tu es entrepreneur, ce n’est pas pour jouer avec ton téléphone portable : tu travailles. Cadrer sa famille, avoir cette posture : « Oui, maman travaille. »

C’est important de cadrer aussi ses élèves. Mes clientes savent qu’il y a des jours où je suis joignable et des jours où je ne le suis pas. Il faut se dire : « Moi aussi, j’ai besoin de moment de préparation. Cette heure de cours, c’est une heure, pas une heure trente. » Ça amène de la confiance parce que c’est comme avec un enfant : vos élèves ou clients, c’est pareil, ils cherchent des repères. C’est à vous de faire ce travail. Moi, je l’apprends tous les jours à mes clients.

Julie : Il faut aussi se cadrer soi-même. On se connaît, on connaît nos faiblesses, nos petites dérives, comme scroller ou fuir certaines choses qu’on redoute. Si on a cette intelligence relationnelle, ce cadrage relationnel et ce cadrage personnel, on s’épargne beaucoup de temps perdu, de culpabilité et de frustration. Quand on connaît ses niveaux d’énergie, on travaille moins dans la frustration.

Travailler avec joie et envie, de façon claire : tu as dit à tes enfants : « Voilà, joue avec papa, pendant une heure je suis off. » Et ça fonctionne.

Muriel : Chaque parcours est différent. Moi, mon problème n’a jamais été la procrastination. J’ai naturellement une appétence pour le travail. Quand je travaille, je me sens mieux. Le cadrage, pour moi, c’est savoir s’arrêter, savoir mettre des moments off avant d’être épuisée, et ne pas prendre trop d’engagements. C’est quelque chose que j’apprends chaque jour.

Si on travaille sur des choses qui nous passionnent, c’est encore plus facile.

De l’importance de l’accompagnement.

Julie : Pour terminer, si tu pouvais transmettre une phrase à tous les profs de yoga ou à celles et ceux qui se lancent dans le bien-être aujourd’hui, ce serait quoi ?

Muriel : Ne pas le faire seul! Ne restez pas seul avec votre projet. C’est très difficile et il faut être entouré, par des personnes qui ont le même parcours ou par des mentors, des gens qui vous forment, vous élèvent, vous montrent le chemin. La phrase que j’aime : ne cherchez pas à réinventer la roue. Elle a déjà été inventée. Utilisez le chemin que certains ont déjà trouvé pour gagner du temps.

Pourquoi gagner du temps est important ? On pourrait se dire : « Si j’arrive au même résultat dans 10 ans, ça me va. » Non, car le risque est grand de se décourager, de ressentir de la frustration et de l’amertume. Il faut rester dans la joie, dans une vibration positive, dans l’énergie. Et pour ça, il faut être entouré. C’est impossible autrement. Moi, je n’y serais jamais arrivée seule.

S’adapter et s’aligner

Julie : Pour finir, un mot sur « adapter ». Adapter, c’est aussi s’aligner. Parfois, s’aligner n’est pas une ligne droite. Adapter son activité, adapter son yoga, c’est trouver sa place, comment on la vit. Moi, je travaille beaucoup sur la personnalité, le corps, la compréhension, etc., et c’est trouver des moyens d’adapter sa vie, sa pratique, son métier, petit à petit, à ce qui est bon pour soi. Ça vient souvent de l’expérience, pas immédiatement. Il faut se mettre en action, expérimenter, plonger dans la piscine pour voir ce qui nous convient.

La phrase que je pourrais vous dire : osez vous mettre en action. On croit toujours qu’on a des choses à perdre, mais on n’en a rien à perdre dans n’importe quelle expérience. On a toujours des choses à découvrir. Quand on est dans cet état d’esprit, on va beaucoup plus loin, pour soi, pour les autres, pour nos projets.

Muriel : Oui, à chaque étape, j’ai eu peur. Ce qui m’a aidé : mesurer le pour et le contre. De quoi ai-je réellement peur ? Quel est le pire qui puisse m’arriver ? Qu’est-ce qui se passe si je surmonte cette peur et que ça se passe bien ? Analyser la peur, ne pas mettre des objectifs trop hauts, mais accepter d’aller par étapes, se mettre en action. C’est le meilleur moyen de ne plus avoir peur.

Merci Julie. Merci Muriel

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