La colopathie fonctionnelle, ou syndrome du côlon irritable – SII -, affecte notablement la qualité de vie, et il n’y a actuellement pas de traitement médical proposé. La colopathie fonctionnelle concerne plus volontiers les femmes après 40 ans et son diagnostic est en constante augmentation. Les douleurs sont difficiles à soulager et nécessitent une prise en charge par des médecines alternatives holistiques et variées, dont la yoga thérapie.
J’ai donc conçu cette séance de yoga pour des personnes débutantes qui n’auraient jamais pratiqué et qui chercheraient des solutions douces et naturelles pour leur colopathie. Les pratiquants plus avancés trouveront facilement des adaptations. Mon objectif principal est de relancer la respiration abdominale, aussi appelée respiration diaphragmatique. En effet, ces douleurs intestinales chroniques viennent perturber à long terme l’équilibre précieux entre le périnée, le muscle transverse abdominal, le rachis lombaire et le diaphragme.
Le yoga, adapté à votre colopathie, peut être un excellent moyen d’apaiser les inconforts digestifs, d’agir sur votre microbiote et de prévenir les conséquences à long terme de la colopathie (incontinences urinaires, douleurs lombaires…).
Téléchargez également les fiches récapitulatives de cette séance avec votre email (formulaire en bas de l’article ou sur le côté de votre écran).
Ce live est organisé par Charline Royer, naturopathe spécialisée dans les troubles digestifs chroniques. Je la remercie encore chaleureusement pour son invitation.
Je vous souhaite une bonne pratique de 20 minute, qui est suivie par vos questions.
Qui suis-je ? Kiné Ostéopathe, Fan de Yoga
Muriel : Je suis kinésithérapeute et ostéopathe. J’ai exercé 23 ans en cabinet libéral et je suis passionnée de yoga depuis une quinzaine d’années. Récemment, il y a à peu près trois ans, j’ai commencé à écrire des articles sur mon blog Adapter son yoga. Mon idée est précisément de proposer un yoga qui s’adapte à chaque personne et à chaque cas pathologie. Aujourd’hui, je vais vous proposer une séance pour des personnes qui souffrent du ventre de manière générale, qui ont une colopathie fonctionnelle ou un syndrome du côlon irritable.
Qui est Charline Royer?
Charline Royer : Je suis naturopathe, spécialiste de l’intestin irritable (ou colopathie fonctionnelle) et des troubles digestifs chroniques. J’accompagne essentiellement les femmes à transformer leur digestion pour retrouver plaisir à manger, pouvoir sortir sereinement et accepter toutes les invitations. Mais aussi pour être confortables dans leurs vêtements et en finir avec les ballonnements, le ventre de femme enceinte, le transit perturbé. Tous ces inconforts digestifs qui rythment le quotidien, ce n’est pas toujours simple. Je les accompagne à mettre en place un plan d’action adapté à leurs besoins et leurs problématiques. Je tiens compte des trois piliers de la santé : être bien dans sa tête, bien dans son assiette, bien dans son corps.
Qu’est ce que la colopathie fonctionnelle?
Quels sont les symptômes ?
La colopathie fonctionnelle est un trouble digestif fréquent qui touche uniquement le fonctionnement de l’intestin. Contrairement à d’autres maladies digestives, elle n’entraîne pas de lésions visibles au niveau du tube digestif. Ce trouble se manifeste par des douleurs abdominales récurrentes et des modifications du transit. Il peut s’agir de constipation, de diarrhée ou d’une alternance des deux.
Les personnes souffrant de colopathie fonctionnelle ressentent souvent une gêne importante après les repas. Les ballonnements, les flatulences et la sensation de ventre gonflé (le fameux ventre de femme enceinte) font partie des symptômes les plus courants. Ces désagréments sont parfois associés à une sensation de vidange incomplète après être allé aux toilettes.
La colopathie fonctionnelle s’accompagne également de troubles non digestifs : fatigue, maux de tête ou encore troubles du sommeil peuvent s’ajouter aux inconforts intestinaux. Le stress et l’anxiété aggravent fréquemment les symptômes, créant un cercle vicieux difficile à rompre.
Ce syndrome, bien qu’inoffensif pour la santé en terme médical, peut avoir un impact majeur sur la qualité de vie. Les personnes concernées modifient généralement leurs habitudes alimentaires, sociales ou professionnelles pour tenter de soulager ou masquer leurs symptômes.
Il est important de noter que chaque cas est unique avec des symptômes très variés en fréquence et intensité. Une prise en charge adaptée, associant alimentation, nutrition, gestion du stress, naturopathie et activité physique peut améliorer significativement le confort au quotidien. Le yoga a donc toute sa place dans cette prise en charge.
Diagnostic de la colopathie fonctionnelle : quand consulter ?
Il est important de consulter un professionnel de santé si vous pensez souffrir de colopathie fonctionnelle. Bien que ce trouble soit bénin, un diagnostic médical permet d’écarter des pathologies plus graves.
Certains signes doivent alerter et nécessitent une consultation médicale rapide comme une perte de poids inexpliquée, des saignements dans les selles ou une fièvre associée à des douleurs abdominales. Ces signes ne sont pas habituels dans la colopathie fonctionnelle.
Yoga doux pour soulager la colopathie fonctionnelle
Muriel : J’ai choisi une pratique qui n’est pas spécialement orientée pour des professeurs de yoga. D’habitude, je parle essentiellement aux experts en yoga et aux professeurs de yoga. Mais aujourd’hui, j’ai choisi une pratique pour « Monsieur et Madame tout le monde ». Donc je ne donnerai pas de noms en sanskrit compliqués. J’ai choisi des postures faciles qui sont abordables pour tout le monde. J’ai imaginé une femme de 45-55 ans, autour de la ménopause, qui commence à avoir des douleurs digestives, et j’ai proposé des variations dans cet esprit-là.
Maintenant, je ne connais pas votre parcours de santé, alors je ne peux pas garantir que ce programme soit adapté pour vous. Donc, gardez votre bon sens, écoutez votre corps. En aucun cas cette pratique ne doit créer un malaise ou un inconfort trop important.
Déroulez votre tapis de yoga, nous débutons !
Respiration abdominale et colopathie fonctionnelle : une alliance bénéfique
Vous allez vous allonger sur le dos, car j’ai imaginé une séance qui commence facilement sur le dos. Déjà, on peut passer par le côté ,si vraiment on a mal au ventre, pour s’allonger. Puis, on va simplement commencer par voir si on arrive à étendre les jambes et à étendre les bras.
On va observer si on peut respirer calmement. Vous voyez ce que fait mon ventre quand j’inspire ? Mon ventre gonfle doucement. Et ce ne sera peut être déjà pas si facile à obtenir pour vous. Si c’est trop compliqué, vous pouvez plier les jambes, et rechercher cette respiration abdominale, très douce, très tranquille. Peut-être que vous aurez besoin de poser les mains sur le ventre et de fermer les yeux.
Posture de libération des vents
Et puis vous allez attraper un genou. Jusque là, tout va bien ; normalement, ce n’est pas trop intense comme séance. Vous allez le presser contre vous et effectuer deux ou trois respirations. Vous allez essayer d’allonger l’autre jambe au sol et peut-être que vous allez avoir la tête qui va se relever et les épaules qui vont s’enrouler.
Mais vous allez essayer de bien conserver l’alignement au sol, en rentrant le menton. Je vous conseille de laisser sortir le ventre encore, quand vous inspirez. Et on change de côté.
Si c’est trop dur, on recommence avec une jambe pliée posée au sol, et l’autre vers le ventre, et petit à petit, on essaye d’allonger la jambe posée au sol.
Aujourd’hui, on ne va faire que des respirations abdominales, c’est à dire celles où le ventre sort à l’inspiration.
Posture de torsion douce
Puis on va poser les deux pieds à plat, on va mettre les bras en croix sur le côté, si on peut. Si on ne peut pas, on les garde sur le ventre, et puis on va inspirer. Les pieds sont écartés de la largeur du tapis, un peu plus large que le bassin. Et à l’expiration, j’amène les genoux sur le côté en gardant le ventre serré. Inspire au centre, souffle en rentrant le ventre et en laissant tomber les genoux sur le côté opposé. Vous remarquez que je ne vais pas jusqu’au sol avec mes genoux.
Demi-pont pour la colopathie
Je reviens genoux au centre, dos plat, j’inspire, je cambre un peu. Puis dans le souffle, je rétroverse mon bassin et je monte en demi-pont. Si je n’ai pas l’habitude de faire cet exercice, ça peut me donner des crampes à l’arrière des cuisses. Dans ce cas je vais redescendre et remonter moins haut, moins fort.
Si je peux, je reste en l’air. Et je peux très bien me contenter de monter très peu haut. Ce que je dois sentir, c’est mon ventre qui se contracte un petit peu, mes abdominaux qui se contractent un petit peu. J’inspire au sol, je cambre, je laisse aller. Je souffle, je reviens, comme une vague. J’en fais quatre ou cinq comme ça. Peut être qu’à chaque fois je peux monter un peu plus haut.
Observez quelque chose sur cette photo : en haut, souvent, les gens trichent en cambrant. Or, ça ne m’intéresse pas du tout. Je préfère que vous soyez plus bas, mais que le coccyx reste bien rentré. Puis, vous allez essayer de garder la poitrine ouverte et le menton rentré. Ça fait beaucoup de choses, cous n’arriverez peut-être pas à tout faire. Puis quand on est en haut, on va inspirer et lever les bras, puis expirer pour redescendre en gardant les bras en l’air si possible.
Respiration abdominale sur le côté
Puis, on va passer sur un côté et respirer deux ou trois fois dans le ventre. Ma main est posée sur le ventre, elle se gonfle à l’inspire, puis ma main rentre à l’expiration. Respiration abdominale. Alors, vous remarquez que moi je respire par le nez : j’inspire et j’expire par le nez.
Pour passer de l’autre côté, vous pouvez simplement rouler au sol. On fait trois respirations. En yoga, on souffle par le nez. Mais tout ce que je vous demande pour débuter, c’est d’inspirer par le nez car c’est vraiment important. Et si vous voulez souffler par la bouche, vous soufflez par la bouche. On fait trois respirations de chaque côté. Jusque-là, la séance n’était pas très compliquée, mais vous allez voir qu’elle va beaucoup drainer déjà.
Postures de yoga à 4 pattes pour la colopathie fonctionnelle
Balasana (la posture de l’enfant) pour apaiser les inconforts
Et puis on va passer dans la posture de l’enfant. C’est une posture où on se met simplement en boule. Et encore une fois, on va retrouver cette respiration abdominale où le ventre vient contacter les cuisses quand on inspire. Trois fois. Imaginez le massage à l’intérieur des viscères, le drainage qui aide à calmer le syndrome de l’intestin irritable. Puis on va utiliser nos poings : on va venir les mettre dans le ventre. Alors ça, je vous préviens, c’est comme un auto massage et ce n’est pas toujours bien toléré. Donc explorez ce qui se passe chez vous quand vous faites ça. Je viens me replier sur mes poings et je vais jouer de la même manière, avec cette respiration abdominale. Trois fois, j’inspire dans mes poings et je souffle. Peut-être mes poings rentrent un petit peu dans mon ventre, délicatement, à chaque expiration.
Dos de chat et de vache pour la colopathie fonctionnelle
Je passe à quatre pattes. Notez que je ne mets pas les mains strictement sous les épaules. Je les avance de dix centimètres à peu près. J’inspire, et je fais un dos rond ; et dans le dos rond, je recule mon bassin. J’inspire au centre, et dans le souffle, je viens faire un dos creux. Et je recule mon bassin. Et je souffle, et je recule mon bassin. J’inspire au centre et je souffle, je plie les coudes et je recule mon bassin.
C’est une variation différente, sans doute, de celle que vous avez l’habitude de faire en dos rond et dos creux. Mais je trouve intéressant de vous proposer une variation que vous connaissez moins, qui est issue de la méthode de Gasquet. Faites au mieux, vous ne risquez pas de vous faire mal : à partir du moment où vous avancez les mains de dix centimètres et où vous reculez le bassin à chaque fois, ce sera parfait.
Inversion douce quand on souffre des intestins
Maintenant, on va se mettre en appui sur les coudes. Et on va venir respirer par le ventre encore une fois. J’inspire longuement, mon ventre descend. Je souffle, il se plaque : le nombril vient contre la colonne. J’inspire, il descend vers le tapis. Je souffle, il se plaque contre ma colonne. Encore une fois. Ce qu’il ne faudrait pas faire, c’est arrondir le dos ; j’ai juste bougé mon ventre, mon dos est resté absolument immobile. Je fais trois ou quatre respirations et je reviens.
La fente basse peut être remplacée par le Chevalier Servant
Je vais avancer un pied devant moi et je vais essayer de sortir de la cambrure. Spontanément, je dirais plutôt à partir de 55 ans, on se place trop cambré, dans cette posture du chevalier servant. Donc vous allez essayer de vraiment rentrer le coccyx et de vous aligner pour être bien vertical. Pour certains, ce placement de coccyx rentré suffira. Et puis on va reprendre quelques respirations abdominales. Vous allez sentir l’étirement au niveau de la cuisse. Ceux qui veulent aller plus loin peuvent venir dans la posture de la fente basse Anjaneyasana, en avançant leur pied avant et tout en gardant cet effort de rentrer le coccyx. J’inspire et je souffle. Et puis je peux rester là ou je peux rajouter des bras. J’inspire et je souffle et puis peut être qu’une fois, je vais inspirer et je vais souffler en gardant les bras en l’air.
Et je change de côté. Pour ceux qui ont l’habitude, on peut faire une petite transition par le chien la tête en bas Ado Muka Svanasana. Pour ceux qui n’ont pas l’habitude, passez par le quatre pattes. Certains resteront en chevalier servant : faites attention à bien décambrer.
D’autres viendront plus à l’avant vers la fente. Je place mon regard et je commence. Alors, je vous donne une consigne supplémentaire : peut-être qu’à l’inspiration, là, vous pouvez rentrer le ventre. Pour ceux qui ont l’habitude de pratiquer en yoga la respiration Ujjayi, ce sera plus intéressant. Un. Deux. Trois. Avec les bras, bras cactus à l’expiration. Avec la tête, peut-être. Et le dernier, je reste en l’air.
Je repasse par le quatre pattes ou par le chien la tête en bas. Une respiration, et je réavance ma jambe droite.
Torsions en fente pour les colons irritables
Comme tout à l’heure, il y aura un clan qui sera en chevalier servant, tandis que les plus avancés iront peut-être vers la fente basse. On va placer une torsion. Dans les torsions, je vous demande de faire vraiment attention : c’est là qu’on peut plus particulièrement se faire mal. On va inspirer en levant le bras gauche, et en soufflant, on se tourne vers la jambe droite. Il est possible de mettre une main sur le sacrum, et on respire trois fois.
Puis, on va le faire de l’autre côté : transition par le chien la tête en bas, si vous pouvez.
Je vous montre la variation facile pour ceux qui sont en chevalier servant : on peut simplement mettre les mains jointes sur le genou, venir ouvrir sur le côté, et mettre la main à la taille ou sur le sacrum. Trois respirations et je sens ce qui se passe dans mon ventre.
Pranayama : exercices de respiration pour la colopathie fonctionnelle
Autograndissement du rachis
Installation dans l’assise
Muriel : Vous voyez, moi, ça fait quinze ans que je fais du yoga et je n’ai toujours pas la possibilité de m’assoir en lotus. En tout cas, ce n’est absolument pas grave. Cependant, vous pouvez voir que je m’installe en m’asseyant sur une brique. Je suis assise sur un support et je protège mon genou, je ne le laisse pas dans le vide : je le protège en le mettant également sur un support, car je ne suis pas symétrique. Par contre, mon dos est très droit, très vertical, je suis assise sur mes ischions.
Si vous ne voulez pas travailler au sol, vous pouvez travailler comme Charline sur une chaise, ou bien vous pouvez travailler assis à genoux (les fessiers reposant sur les talons). Il y a beaucoup de gens qui choisissent de travailler à genoux. Ils peuvent mettre un support, une brique ou un zafu plus confortable, pour soulager un peu le poids, sur les articulations du genou. Mais en tout cas, de profil, vous devez absolument avoir un dos vertical. Donc si ce n’est pas possible au sol, ce sera sur une chaise et ce sera très bien sur une chaise.
Je rappelle juste que pour s’asseoir dos droit sur une chaise, il faut chercher un peu un dos rond, puis chercher un peu un dos très cambré, bien avancer la poitrine, et puis venir s’asseoir au milieu sur ses ischions. Est ce que ça te parle, Charline, cette notion d’ischions? Oui.
Repérer ses ischions
Muriel : Ce sont les os des fesses. On vient s’asseoir sur les os des fesses, et quand on est assis sur les os des fesses, donc les ischions, on est sûr qu’on a le dos très vertical. C’est un bon repère. Est ce que c’est un repère qui est clair pour toi ?
Oui, c’est très bien, merci.
Pour bien comprendre ces notions de placement du bassin, appelées antéversion et rétroversion, vous pouvez lire cet article.
Muriel : Et là, nous allons faire des respirations et on va reprendre cette respiration abdominale. Et la première des choses à vraiment comprendre, c’est que pour certaines personnes, c’est très dur de trouver cette respiration abdominale et peut être que ça ne se fera pas en une séance. Peut être qu’il faudra plusieurs semaines de pratique pour y arriver, et c’est ok, il n’y a aucun problème avec ça, mais vous devez vous fixer des étapes à franchir.
Indispensable inspiration nasale
La première étape est : est-ce que je suis capable de prendre l’air par le nez ? Vous pouvez souffler par la bouche si vous le souhaitez, mais si vous y arrivez aussi, essayez plutôt de souffler = expirez par le nez. Vérifiez que vous prenez bien l’air par le nez. Respirez plusieurs fois comme ça, jusqu’à ce que la respiration s’apaise.
Engager le périnée dans l’expiration
Et puis on va placer un autre concept très important dont je n’ai pas encore parlé pour ne pas vous saturer, c’est le périnée que l’on va placer dans le souffle. Donc on va inspirer par le nez, et en soufflant, on va serrer l’anus, serrer les grandes lèvres, les absorber en nous lors d’un souffle. Et on inspire par le nez, on relâche le périnée, et dans un souffle, on absorbe l’anus en premier, puis les grandes lèvres pendant que l’on souffle, et on le fait trois ou quatre fois. Et ce sera peut être votre deuxième étape à laquelle vous vous arrêterez pour aujourd’hui. Voilà, vous pouvez continuer ces respirations en engageant le périnée sur le souffle.
Si vous y arrivez, on rajoute une étape. On inspire par le nez. On souffle en serrant l’anus, les grandes lèvres, puis le nombril. J’imagine que je ferme une fermeture éclair qui partirait du coccyx. Et quand je souffle, la fermeture éclair ferme l’entrejambe jusqu’au nombril. Les images ne parlent pas à tout le monde, alors je prends une autre image : j’inspire par le nez, et dans un souffle, je suis un chien ou un chat et je rabats la queue entre les jambes. Je ferme l’anus, les grandes lèvres et je viens chatouiller le nombril. Je suis encore en train de souffler quand je chatouille mon nombril. Vérifiez ça.
Autograndissement
Je rajoute une consigne. Ce sera la dernière pour cet exercice et peut être que c’est trop pour vous aujourd’hui. J’inspire par le nez, je souffle en serrant le périnée, l’anus, les grandes lèvres, le nombril. Et je grandis ma tête, je la repousse vers le plafond comme si j’avais une couronne sur la tête et que j’essayais de planter les pics de ma couronne dans le plafond. J’ai fait le périnée, le nombril et la couronne, ce qui peut être très compliqué pour certains, et c’est normal. Il vous faudra peut être plusieurs semaines pour y arriver.
Cet autograndissement prenant naissance par le périnée sur une expiration a été diffusé largement par le Dr Bernadette de Gasquet dans sa méthode APOR (approche posturo respiratoire). Découvrez dans cet article ses 7 vérités incontournables sur le périnée.
Le Souffle du forgeron pour réveiller le muscle transverse abdominal
Je vais vous guider un dernier exercice. C’est une initiation à un pranayama qui s’appelle Bhastrika ou le souffle du forgeron. Je rentre mon nombril, et je sens que j’ai de l’air qui sort par le nez, et je viens vérifier avec ma main sous mes narines, qu’à chaque fois que je rentre le ventre, j’ai bien de l’air qui sort par le nez.
Parce que souvent, je vois des gens qui rentrent le ventre, mais ce n’est pas coordonné à la respiration, et c’est beaucoup moins intéressant. Il n’y a pas vraiment de contre-indication si on le fait doucement, sans sensation de malaise, comme je le montre dans la vidéo.
On en fait cinq, dix, puis on fait une petite pause. On reprend son souffle, et on reprend. La seule contre-indication réelle serait peut-être des gens qui feraient de l’hypertension et qui ne seraient pas traités.
Uddiyana Bandha ou Stomach Vacuum
Muriel : Si je devais finir ma séance, je proposerais également Uddiyana Bandha, qui s’appelle aussi fausse inspiration thoracique ou stomach vacuum ou abdos hypopressifs. Je peux la guider si tu le souhaites, Charline. Je ne sais pas si ton audience la connaît. Donc, cette proposition de séance serait idéale le matin. C’est aussi pour ça que je la finis assise, prête à partir pour cette journée. Mais bon, vous pouvez l’adapter évidemment : vous pouvez très bien la faire dans l’autre sens avant d’aller vous coucher. Est-ce que tu veux que je donne plus d’indications sur Uddiyana Bandha ? J’ai vu que tu avais consacré un live entier à la question, donc je ne sais pas si tu souhaites que je revienne dessus. Oui?
Muriel : J’avais peur d’être redondante. C’est évidemment le plus dur des exercices. Je commence par inspirer, et par souffler assez longtemps. Alors, ça veut dire plus longtemps que ce que j’ai inspiré, déjà, ça c’est sûr. Donc, dans votre tête, vous pouvez peut-être compter au moins quatre secondes. Après, je me mets en apnée.
Si vous ne savez pas ou si vous n’êtes pas sûr d’être en apnée, vous pouvez vous pincer le nez et garder la bouche fermée pour être sûr de ne pas vous tromper. J’inspire et je souffle longtemps, je fais une apnée, puis je fais comme si je prenais l’air, mais comme je suis en apnée, en fait je ne prends pas l’air, donc tout remonte dans ma poitrine ; ça étire le diaphragme. Et si je peux, si c’est possible, je me penche en avant et je lève les bras. Si je ne peux pas, je me contente déjà de le faire vertical, c’est très bien.
Questions sur la séance de yoga dédiée à la colopathie fonctionnelle
Pourquoi lever les bras dans Uddiyana Bandha ?
Muriel : C’est très intéressant comme question ! Ça permet de solliciter encore plus l’étirement du diaphragme. Cependant, c’est beaucoup plus intense. En tant que kinésithérapeute, ce que j’aime particulièrement, c’est que ça rajoute un travail de renforcement sur le rachis, sur les muscles du dos. Donc j’invite vraiment à le faire, si possible, en levant les bras, parce que c’est vraiment plus stimulant pour le diaphragme et pour les muscles du dos.
Quelles images utiliser pour la conscience du périnée ?
Charline : Quelqu’un parle des images que tu as données tout à l’heure et dit qu’en Pilates on utilise l’expression « fermer les portes de l’ascenseur jusqu’au troisième étage.»
Muriel : Des images, vous en verrez plein, chaque professeur a son image, et d’ailleurs, pour chaque professeur, ça ne veut pas dire exactement la même chose. Par exemple, là j’ai pris l’image de la queue du chat, et moi je vous l’ai fait comprendre pour rentrer le coccyx. Et puis des fois, on peut l’utiliser pour faire arrondir le dos carrément, pour basculer le bassin en rétroversion. Il y a l’image de l’ascenseur effectivement, et c’est bien. Mais il y a juste une petite nuance que j’aimerais apporter : c’est que cette image ne permet pas de situer d’abord l’anus.
Vous avez remarqué comme j’insistais beaucoup pour qu’on commence par l’anus. Puis qu’on revienne ensuite par les grandes lèvres (ou la base de la verge pour un homme), et du coup l’ascenseur ne donne pas cette image d’arrière vers l’avant dans l’installation de la contraction du périnée. Il y a plein d’autres images . Dans le même genre que l’ascenseur, celle que j’aime bien, c’est le spaghetti qu’on aspire. C’est intéressant. Aspirez avec votre bouche et notez la forme de vos lèvres. On resserre, puis on aspire, et c’est bien d’avoir ces deux sensations en soi aussi : je referme et j’inspire. En tout cas, c’est une sensation de fermeture, puis de remontée.
Comme je ne vous connais pas, je n’ai aucune idée de votre niveau de conscience corporelle, donc cette séance-là, je vous l’ai proposée très simple. Au début, j’ai juste parlé du ventre qui sort et qui rentre. On pourrait faire plus subtil. Et notamment si vous écoutez plusieurs fois cette séance et que vous la pratiquez plusieurs fois, vous pourriez utiliser les consignes que je donne sur le périnée à la fin, pour les placer dès le début de la séance. À chaque fois que vous soufflez, vous pouvez engager votre périnée à partir de l’anus. C’est très important, même pour vos troubles digestifs.
Pourquoi engager le périnée dans la colopathie fonctionnelle ?
Charline : J’ai aussi fait un live justement sur la respiration du périnée. Donc c’est complètement complémentaire ce que tu dis, et le fait de l’engager c’est important.
Muriel : Très important, notamment par rapport à la constipation, parce que quand on est constipé, on fait beaucoup d’efforts de poussée abdominale pour aller à la selle. Et tous ces efforts de poussée poussent le périnée vers le bas. Donc c’est vraiment important d’apprendre, de conscientiser au contraire le périnée vers le haut, et de contrecarrer un peu ces forces de poussée descendantes. Il faut réaliser à quel point toutes ces poussées régulières vers le bas sont délétères pour le périnée.
Charline : Donc en fin de compte, ce que tu dis, c’est que cette respiration, on peut l’utiliser pour tous les mouvements que tu as pu nous proposer du début à la fin.
Muriel : Exactement. Je ne l’ai pas dit dès le début parce que je vous aurais complètement saturés de consignes et vous n’auriez pas forcément compris. Mais quand vous réécouterez la vidéo, n’hésitez pas à les utiliser dès le début.
Kapalabhati ou Bhastrika pour le transverse abdominal ?
Charline : Alors du coup, là il y a un débat dans les dans les commentaires par rapport à la dernière expiration que tu as proposée. Certaines personnes demandent s’il ne s’agit pas plutôt de Kapalabhati que Bhastrika.
Muriel : Vous l’appelez comme vous voulez ! En fait, de ce que j’ai compris, mais ça ne fait que quinze ans que je fais du yoga (sic), c’est que ça dépend surtout de l’intention qu’on met dans la manière de le pratiquer, et notamment à l’inspiration….et ça dépend beaucoup de la lignée de yoga de laquelle on est issu. Vous faites donc comme vous voulez, vous l’appelez Bhastrika ou Kapalabhati.
Là, j’ai proposé « le souffle du forgeron » pour une audience qui ne connaît pas forcément le yoga, et ce qui m’importe vraiment, c’est que la personne comprenne que quand elle rentre son nombril, ça fait sortir de l’air par le nez, on sent le flux d’air. D’ailleurs, ce n’est même pas ça l’idée des pranayamas tels qu’on les pratique en yoga. Là, c’est vraiment un pranayama « dérouté » pour renforcer le muscle transverse abdominal. Je pense que le débat ne sera jamais réglé sur cette histoire.
Charline : Donc là il y a un sujet a priori, et finalement, ce serait plutôt l’intention voire peut-être les modes d’enseignement, l’endroit où tu te formes au yoga, qui peuvent expliquer cela.
Muriel : Oui et aussi, ça dépend de la manière dont tu le pratiques : si tu le fais plus ou moins lentement, si tu le fais plus ou moins fort, et surtout de ce que tu fais quand tu inspires, si j’ai bien compris. Est-ce que tu pousses le ventre en inspirant ou est ce que tu ne te focalises que sur l’expire ? Moi, c’est comme ça que j’ai compris la subtilité entre les deux. Maintenant, mon expertise est plutôt la kinésithérapie, que la maîtrise des termes sanskrits et du yoga. Donc si je me suis trompée, je m’en excuse. N’hésitez pas à me le dire.
A quel rythme pratiquer pour soulager sa colopathie fonctionnelle ?
Charline : Par rapport à la pratique que tu nous a proposée, tu nous as dit de faire ça, soit le matin, soit le soir, et d’inverser l’ordre de la séance en fonction. L’idée est de pratiquer plutôt au quotidien ou alors est ce que c’est une pratique qu’on peut faire quand on va être en crise, avoir mal au ventre quand on a un syndrome du colon irritable par exemple ? Est-ce que ce sont des postures qu’on peut faire à ce moment-là ?
Muriel : Ce ne sera pas forcément adapté en cas de crise. Si vraiment je suis en crise, quelque part, mon cerveau fera tout pour me protéger, pour m’éviter la douleur. Et donc, quand je vais vouloir respirer, quand je vais vouloir serrer le ventre, comprimer les viscères qui sont douloureux, si ça se trouve, je ne vais pas y arriver du tout.
Que faire en cas de crise de colopathie?
Mais peut-être que dans ce que je vous ai proposé, il y a des petites choses que vous pouvez faire : peut-être que vous pouvez vous mettre dans la posture de l’enfant, peut-être que vous pouvez rentrer un petit peu les poings dans le ventre, peut-être que vous pouvez tirer un genou vers la poitrine, des petites choses très simples comme ça. D’ailleurs, je précise que la posture genou vers la poitrine s’appelle la posture de libération des vents, parce que justement, l’idée est aussi de libérer des gaz qu’on pourrait avoir dans le ventre.
Bon, il y aurait plein de choses à proposer, mais ce que je veux dire, c’est que quand on est en crise, ce n’est sans doute pas le meilleur moment pour travailler. Néanmoins, peut-être qu’avec une bouillotte de chaud, quelques techniques d’automassage, du repli sur soi sans doute, quelques respirations abdominales douces si possible, peut -être que ça va pouvoir aider, mais ce n’est pas évident.
Ce qui serait beaucoup plus judicieux, c’est de travailler entre les crises, au moment où ce n’est pas catastrophique et où il est possible d’installer une petite routine. Donc, tous les jours ce n’est peut-être pas possible. Peut-être que le matin, au niveau digestif, vous êtes mieux que le soir, sans doute. Donc, au réveil, peut-être que c’est le meilleur moment pour travailler pour cette raison-là.
Impact de la colopathie fonctionnelle sur les abdominaux
Modification de la posture corporelle en lien avec la colopathie fonctionnelle
Et moi, ce que je voudrais dire surtout, c’est que si j’ai mal au ventre régulièrement, que j’ai un syndrome de l’intestin irritable, de manière chronique, que je suis dérangé par mon ventre qui est ballonné, qui gonfle, que je n’arrive pas à fermer mes vêtements, eh bien ça va bien plus loin que ça. C’est-à-dire que mon cerveau se dit « Ah oui, je dois faire de la place pour le ventre » et que donc il inhibe, il fait en sorte que les abdominaux ne travaillent plus, il fait en sorte que le périnée ne soit pas trop contracté pour laisser de la place aux viscères.
Déjà, si je suis dans un schéma plutôt constipé, je pousse beaucoup sur le périnée, mais en plus, spontanément, mon cerveau a tendance à relâcher le périnée parce que ça lui fait du bien, ça fait de la place pour les intestins. Je vais aussi avoir tendance peut-être à modifier ma posture et donc à laisser aller un peu mon ventre vers l’avant. Éventuellement. Ça dépend évidemment des gens, mais c’est un schéma postural courant. Et donc ce n’est pas simplement une question « d’avoir mal au ventre », c’est qu’au fur et à mesure des semaines, je vais modifier ma posture et je vais vraiment perdre cette capacité à engager les abdominaux.
Retrouver la capacité à contracter son transverse abdominal
C’est pour ça que j’ai choisi cette séance qui peut paraître très simple, mais qui réengage, par la respiration, la capacité à contracter son périnée et son ventre. On remet en place une certaine norme dans ce qu’on appelle, nous, les caissons : caisson abdominal, caisson thoracique. Voilà, on revient travailler un équilibre de pressions, et ça, c’est la première chose à récupérer avant de chercher à faire des abdos ou récupérer un ventre plat.
Si je ne suis pas capable d‘expirer, ça ne sert à rien que j’essaie de faire des abdos. La seule chose que je vais faire, c’est me blesser puisque mon ventre n’est même pas capable d’expirer correctement, mon corps n’est plus capable de recruter les abdos pour l’expiration. Or, l’expiration, c’est la fonction la plus naturelle et la plus simple des abdominaux, je m’explique… Si je ne suis pas capable d’expirer, je n’arriverai pas à me soulever de terre, ou alors je vais le faire, mais en trichant avec tout ce que je peux : les muscles cervicaux, les psoas, tous les autres muscles, sauf ce qui m’intéresse…les abdominaux. C’est pour ça que j’ai choisi vraiment cette séance, parce qu’elle commençait par la base.
Stimulation du nerf vague dans la colopathie fonctionnelle
Et vous avez vu aussi qu’il y avait le souffle qui me guidait tout au long de la séance. Je n’ai jamais perdu le rythme de mon souffle, sauf un petit peu pour vous donner des consignes, mais quand vous la réécouterez, vous essaierez de garder toujours la connexion au souffle. Alors ça, c’est très important aussi parce qu’on suppose que c’est une manière de stimuler le nerf vague.
Je suppose que ton audience en a beaucoup entendu parler, mais le nerf vague, c’est le nerf parasympathique, le nerf qui nous ralentit nous, qui nous apaise, qui nous met au repos, et c’est le nerf qui innerve la région intestinale. Et on suppose que quand on fait ces expirations lentes, le souffle tel qu’on l’a travaillé là, on redonne un peu de pouvoir à ce nerf parasympathique, on le stimule et on s’apaise, on gagne en gestion du stress, en confort de vie, en sérénité, en repos et en digestion.
Je ne rentre pas trop dans l’idée, mais souvenez-vous : nerf vague = expiration, ça doit faire tilt ans votre tête maintenant. Et si possible, expiration plus longue que l’inspiration. Donc, si je peux, j’inspire sur trois, j’expire sur quatre. Je ne vous l’ai pas dit ça non plus pendant les exercices, mais à terme, vous pourriez essayer de gagner une expiration plus longue que l’inspiration. Et peut-être que quand vous allez commencer cette petite séance qu’on a faite, vous allez être sur une respiration superficielle, très inspiratoire, et qu’à la fin, oh surprise, votre expiration se sera libérée.
Comment rentrer le ventre de façon efficace?
Charline : C’est le fameux « truc » des femmes pour » avoir le ventre plat « , il faut rentrer le ventre, et la respiration peut déjà être inversée. Et c’est vrai que le fait de mettre de la conscience sur la respiration, ça permet de libérer, d’ouvrir. Et on est quand même beaucoup plus apaisé en faisant attention à la manière dont on respire.
Muriel : Évidemment, et je tiens à ajouter quelque chose, s’il y a des femmes qui rentrent le ventre. Si on le fait en trichant, en fait, on ne rentre pas le ventre, on monte la poitrine. Alors oui, ça donne l’impression que le ventre est plus plat. Mais ça, c’est un travail haut, un travail thoracique, inspiratoire, donc rien de bon. C’est dans le mauvais sens, ce n’est pas du tout ça qu’on veut.
Nous, on veut un beau ventre rentré sur le souffle. Et là, si on en fait beaucoup, on va voir sa taille se dessiner, on va voir son ventre se galber. Mais si on travaille dans le mauvais sens, si on travaille sur l’inspiration, dix ans après, on en sera au même stade. Et ça, c’est très fréquent comme mauvaise manière de rentrer le ventre. Mauvaise dans le sens de inefficace et ne procurant pas l’effet apaisant du travail expiratoire.
Charline : Et je pense que ça touche beaucoup plus les femmes que les hommes.
Muriel : Oui, pour les hommes, c’est un peu différent. Eux, ils ont la cage thoracique qui s’élargit souvent avec l’âge (distension inspiratoire). Je voudrais juste ajouter quelque chose par rapport au fait de monter la poitrine : c’est ce que je vous ai proposé dans le tout dernier exercice, Uddiyana Bandha, qu’on appelle aussi Stomach Vacuum. Mais vous avez vu, on ne l’a pas fait en inspirant ; on l’a fait en apnée, en suspension expiratoire. On a d’abord inspiré, puis je vous ai dit de souffler plus longtemps que ce que vous aviez inspiré, donc en fait on est en expiration quand on monte la poitrine.
La respiration au coeur de la prise en charge de la colopathie fonctionnelle
Quel est l’intérêt de respirer allongé sur le côté?
Charline : Il y a des questions à propos de la respiration latérale thoracique.
Muriel : Je vous l’ai montré dans la série. Moi, je me suis allongée sur le côté et j’ai proposé une respiration abdominale, appelée aussi diaphragmatique : j’ai proposé que les gens sortent le ventre à l’inspiration et rentrent le ventre à l’expiration. Mais pour quelqu’un habitué à la méthode Pilates ou à la respiration Ujjayi, ça doit sembler étrange que je propose d’inspirer en sortant le ventre, parce qu’en général, en Pilates, à l’inspiration, on maintient son ventre engagé.
Mais là, je m’adresse à un public qui est douloureux au niveau du ventre, qui n’a sans doute pas beaucoup de transverse abdominal, parce que justement il y a ces douleurs qui sont installées depuis longtemps, et donc je pense qu’il y a plus d’intérêt à brasser et à créer du mouvement du ventre et du diaphragme. Il y a plus d’intérêt à avoir vraiment de l’amplitude, à retrouver un mouvement souple. Vous avez remarqué, quand j’inspire, je ne pousse pas mon ventre dehors, je le laisse sortir. Je ne sais pas si c’est clair pour vous cette remarque.
Charline : Tu ne forces pas.
Développer son ressenti par la vue de son ventre
Muriel : C’est ça ! Je ne pousse pas (jamais), non, je le laisse sortir. Donc, c’est très intéressant aussi que vous trouviez ça. Et comme tu dis, il y a beaucoup de femmes qui peuvent être gênées, complexées par leur ventre, qui peut-être ballonné. Du coup, il est possible que spontanément elles le rentrent, et qu’à l’inverse, elles ne savent plus le relâcher du tout en fait. Ça peut se voir aussi. Donc, j’ai relâché, j’ai respiré en étant sur le côté, et j’ai proposé de respirer ainsi car dès qu’on a un petit peu de ventre et qu’on se met sur le côté, fantastique !, on va avoir le ventre qui tombe vers le sol.
Alors, on n’est pas très content de voir son ventre tomber vers le sol, mais en tout cas on voit bien le mouvement. De même, quand on est à quatre pattes, on voit le ventre qui tombe vers le sol et on le voit rentrer également. Du coup, on a un retour visuel sur ce qu’on fait et on comprend mieux ce qu’on doit faire. Alors qu’assis, ce n’est pas évident de sentir ce qui se passe, surtout si la zone est très douloureuse depuis des années. C’est pour ça que j’ai proposé de le faire en infra-latéral, enfin sur le côté au début.
Je vous signale quelque chose : sur le côté, ça peut être aussi pour travailler davantage la ventilation dans un poumon. En travaillant comme ça de manière asymétrique, on peut travailler plus la ventilation dans un poumon. Mais comme nous on a pour objectif aujourd’hui de normaliser le ventre, je vous conseille de faire les deux côtés, de manière symétrique.
Respiration abdominale ou diaphragmatique ?
Charline : Ok, ça marche. Il y a une autre personne qui demande si la respiration abdominale n’est pas toujours diaphragmatique?
Muriel : Alors, dites-moi dans le chat si vous faites une différence entre abdominal et diaphragmatique.
Charline : Alors, quelqu’un vient de dire que c’est la même.
Muriel : Voilà. Pour moi, dans mon langage, c’est la même. Donc j’ai dit abdominale tout au long de la série, parce que c’est un public pas très éduqué, a priori, qui m’écoute, donc on comprend mieux ce qu’est la respiration par le ventre, abdominale, plutôt que diaphragmatique. Et quelle était la question de départ, Charline?
Charline : C’était justement quelqu’un qui disait « J’ai l’impression que tu n’inspires pas toujours en diaphragmatique. »
Muriel : Alors oui, c’est vrai, c’est une bonne remarque. Je pratique depuis 15 ans une forme de yoga dans laquelle j’inspire en Ujjayi, ventre absorbé. Donc, ça m’a demandé un effort incroyable de faire cette séance en inspirant en relâchant le ventre. Parce que dès que je commence un travail corporel, j’ai l’habitude d’inspirer et d’expirer par le nez, d’engager le transverse abdominal et de ventiler uniquement en thoracique. Ce sont des années de pratique comme ça, dans ce sens-là. Donc j’ai du mal à revenir à quelque chose d’abdominal, et peut-être qu’effectivement, je n’ai pas réussi à le faire à chaque fois 😉 Excusez-moi !
Colopathie : il n’y a pas une bonne respiration mais des respirations !
Charline : D’accord, du coup j’ai l’impression que ça devient hyper technique là. Par rapport à ce que tu viens d’évoquer, la respiration que toi tu pratiques en fait, quels sont ses avantages ? Parce que si tu le fais, c’est qu’il y a certainement une raison. C’est intéressant ça.
Muriel : Cette respiration Ujjayi, c’est un terme sanskrit que l’on peut traduire par le souffle victorieux. Donc, on engage à chaque fois le périnée, on engage le transverse abdominal, et on engage aussi un serrage au niveau de la glotte, si bien qu’on a trois verrous énergétiques ou mécaniques, comme on veut. Et ça va placer une respiration plus haute, plus thoracique, qui fait un peu le bruit de Dark Vador. Et donc, pour moi, ce bruit-là est un placement mental énorme : dès que je commence à respirer comme ça, dans ma tête, je suis focus sur mes sensations corporelles, j’oublie le reste, j’écoute le bruit et ça me permet d’allonger mon inspiration et de ventiler plus en costal. C’est une respiration très énergisante.
La respiration Ujjayi est-elle supérieure aux autres?
Est-ce que c’est la meilleure ? Non. Le mieux, c’est de savoir jongler avec toutes les respirations, de développer tout un schéma moteur sur toutes les respirations. Et là, clairement, pour ton audience, il n’y a pas à hésiter : vraiment, c’est en premier la respiration abdominale qu’il faut absolument retrouver en priorité.
En deuxième, ce que j’ai proposé, qu’on va appeler le souffle du forgeron. Mais j’insiste, c’est même juste le fait de sortir l’air par le nez en rentrant le nombril : ça me va. En yoga, on mettrait plein de folklore autour (plein d’autres consignes), mais juste expirer en rentrant le ventre, ce serait déjà génial! On en fait dix, c’est parfait.
Et puis, en troisième, cette notion en apnée expiratoire, de remonter un peu la cage thoracique. Mais le deuxième et le troisième exercice sont très largement secondaires par rapport à la respiration abdominale.
La richesse des Pranayamas
Charline : Merci pour ces explications. C’est intéressant pour les personnes qui nous écoutent de savoir qu’il existe tout un tas de de respirations différentes, avec des bienfaits différents, et à adapter en fonction de l’instant finalement.
Muriel : Exactement, et j’ajoute que les bienfaits sont différents. Par exemple, moi en tant que kiné, je n’observe pas les mêmes bienfaits qu’un professeur de yoga qui a peut-être une vision plus énergétique ou plus spirituelle de chaque respiration. Personnellement, je n’ai pas la même vision. Et ce que je voudrais dire, si jamais il y a des thérapeutes qui nous regardent, c’est qu’en tant que kiné, on m’avait appris la respiration diaphragmatique, la respiration costale et plus tard, très rapidement, la fausse inspiration thoracique ou Stomach Vacuum, donc trois respirations.
Quand j’ai commencé le yoga, j’en ai découvert des dizaines !
Congrès Respirations de l’Institut de Gasquet
Et puis là, récemment, j’étais à un congrès sur la respiration, et il y avait des ventriloques qui venaient, des chanteurs, des spécialistes de la voix, une apnéiste. Et j’ai compris quelque chose que je n’avais pas du tout exploré dans mon schéma moteur, c’est toute la partie haute de la respiration : larynx, glotte, placement de la langue. Pour moi, ma conscience de la respiration c’était périnée, diaphragme, rachis. Voilà, pour moi, c’est ça la respiration. Et pour d’autres spécialistes de la respiration, c’est plus haut, au niveau de la sphère ORL. Paour d’autres spécialistes, ce sont les gaz du sang. La vérité c’est qu’elle est sans doute partout en fait.
Charline : C’est génial. C’est super intéressant parce que ça veut dire que finalement, on peut enrichir sa manière de respirer en fonction des rencontres, des découvertes. Merci de nous partager ça en tout cas.
Muriel : Je t’en prie. Ces exercices respiratoires en yoga s’appellent des Pranayamas. Ils font monter le prana, ils diffusent notre prana, c’est-à-dire l’énergie. Ils diffusent l’énergie partout dans le corps et libèrent des blocages. On adhère ou on n’adhère pas à ces options, peu importe, on peut le voir de manière tout à fait mécanique.
Charline : Est-ce que tu vois quelque chose à ajouter ?
Déculpabiliser si on étouffe en essayant de respirer
Muriel : Je voudrais rajouter de ne pas se culpabiliser si on n’y arrive pas. Déjà, dans ton audience, parmi les gens qui t’écoutent, il n’y a peut-être pas que des gens qui ont des colopathies fonctionnelles, c’est-à-dire « juste » des problèmes constipation/diarrhée et de douleurs, de gaz, de ballonements.
Il y a peut-être des gens qui ont des pathologies plus lourdes et structurelles (maladie de Crohn, maladie caeliaque), et il y a un mécanisme naturel du cerveau, de protection, qui fait que c’est très compliqué d’y arriver parce qu’on lutte contre des barrières intimes puissantes qui se sont installées avec les années de douleurs. Et dans ce cas-là, je pense vraiment, sincèrement, que le mieux est d’aller travailler ça avec un kinésithérapeute qui va accompagner, qui va aider à masser, à comprendre. Parce que tout seul, même sur YouTube comme ça, ça ne me paraît pas évident.
Très souvent, quand tu commences à faire respirer un patient sur table, il te dit « Ah, c’est terrible, je n’arrive pas à respirer, plus j’essaye de respirer, plus je m’essouffle ». [Imaginez les angoisses d’un patient qui croit ne plus savoir respirer]. Ce n’est pas qu’il ne sait pas respirer, c’est qu’il a choisi un mode de respiration qui ne convient plus. Nous, on va en chercher un autre avec lui, on va le guider. Donc, il ne faut pas vous étonner que ce soit difficile de débuter tout seul. Et les patients me disent « Mais je ne comprends pas, quand même, respirer, tout le monde y arrive. » Et bien non ! Il y a de nombreux patients qui s’étouffent en essayant de respirer!
Développer son schéma moteur respiratoire par les pranayamas
Ensuite, respirer dans un schéma, tout le monde y arrive ; respirer dans dix schémas différents, même moi je n’y arrive pas. J’ai travaillé très fort un schéma en yoga, du coup je n’arrive plus à en sortir si facilement. Donc voilà, déculpabiliser si vous n’y arrivez pas, ça me semble normal car ça paraît simple ou évident de respirer, mais c’est très difficile, et ça ne me surprend pas de devoir être accompagné.
Charline : Tout à fait. Et j’ajouterai, par rapport à ça, de mettre de la douceur. On n’est pas dans la performance, dans l’idée de faire exactement ce que tu nous as partagé, surtout s’il y a de l’inconfort. L’idée, c’est aussi de s’écouter et du coup de mettre de la douceur dans la pratique. Et comme tu l’as dit dès le départ, on n’est pas là pour se faire mal, on n’est pas là pour reproduire exactement, à l’identique, ce que toi tu peux nous proposer, parce que tu as des années de pratique par rapport à quelqu’un qui pourrait être novice. Et enfin, je pense que cette notion de douceur est super importante.
La respiration est le langage du corps
Muriel : Et on va conclure là-dessus : il y a une chose hyper importante, c’est que la respiration va vous guider. Il va y avoir un temps d’apprentissage pour comprendre, pour sentir cette respiration abdominale tranquille. Par la suite, il est peu probable que votre corps vous laisse respirer tranquillement en abdominal, si vous faites une posture qui ne vous convient pas. Ce qui va se passer, si vous allez trop loin, trop fort, c’est que vous allez faire une apnée ou que vous allez respirer de manière aléatoire et crispée. Mais tant que vous arrivez à respirer en abdominal, une fois que vous avez appris cette respiration abdominale douce, elle va vous guider. Tant que vous l’avez, c’est que ça va, votre corps vous dit « ça va ». La respiration est le langage du corps.
Bonne pratique !
Charline : Et là, il y a quelqu’un qui met en commentaire « En yoga, on doit respecter ses limites et ne jamais se mettre en compétition avec soi-même. » Et je trouve ça chouette.
Muriel : Exactement. J’encourage vraiment cette démarche. C’est pour ça que j’ai choisi une séquence douce, mais qui ne l’est pas, qui sera très efficace.
Charline : Merci beaucoup Muriel, c’était un vrai plaisir. Merci de nous avoir partagé tout ce que tu nous as partagé, y compris avec la pratique et puis toutes les explications autour.
Muriel : Merci à vous ! Ce n’est pas fini, vous pouvez télécharger les fiches de pratique avec votre email (formulaire ci- dessous) et me poser toutes vos questions en commentaire de cet article.